Branle Bas de combat autour d’OnlyFans

À partir d’octobre, le site porno OnlyFans, qui compte 130 millions d’utilisateurs, deux millions de contributeurs-trices et des milliards de revenus, interdira à ses créateurs de publier sur ce site du matériel pornographique « hard ». Plusieurs prostitué-e-s utilisent OnlyFans pour vendre des contenus explicites. En revanche, les photos et vidéos de nudité demeureront autorisées à condition d’être « conformes à la politique d’OnlyFans », a annoncé l’entreprise.

Dès que l’annonce a été faite, le discours médiatique s’est rapidement concentré sur « l’injustice et la discrimination » propre à cette mesure, beaucoup affirmant que les victimes de l’interdiction seraient les « travailleurs du sexe ». La BBC a suggéré que l’interdiction du porno serait un « coup de pied dans les dents » pour les créateurs. Et un commentateur a déclaré : « OnlyFans s’est développé grâce aux travailleuses du sexe, qui ont trouvé un refuge sûr dans la plate-forme pour faire payer leurs fans pour l’accès à des photos et vidéos explicites. Malheureusement, le monde du sexe reste stigmatisé… ».

OnlyFans est présenté et perçu comme un moyen sûr et sans conséquence de vendre du sexe et du porno « fait maison » qui « donne du pouvoir » aux femmes. Mais c’est tout le contraire. D’abord, ces contenus restent sur internet pour toujours, et souvent les femmes sont publiquement identifiées, ce qui les affecte lourdement plus tard dans leur vie. Ce phénomène a également un effet sur les consommateurs masculins : les hommes commandent littéralement à des femmes des scénarios d’exploitation sexuelle afin d’assouvir leurs fantasmes de violence et d’exploitation sexuelle. Penser que cela n’a que peu ou pas d’effet sur les hommes dans le monde réel est aussi stupide qu’irresponsable. De nombreux bordels ayant fermé ou fait faillite pendant la pandémie, il serait surprenant que les hommes qui cherchent à gagner de l’argent en exploitant des jeunes femmes ne se tournent pas plutôt vers la plate-forme OnlyFans.

Mais pourquoi la vente de sexe – que ce soit derrière un écran ou dans une chambre d’hôtel – est-elle devenue si normalisée ? Comment en est-on arrivé au point où cela est considéré comme un travail normal ? Kim Kelly, autrice d’un livre à paraître, « Fight Like Hell : The Untold History of American Labour », affirme que « OnlyFans ne serait rien sans les travailleuses du sexe qui, par leur travail, en ont fait une plateforme importante. Aujourd’hui, elle les met de côté et supprime une source vitale de revenus pour une population de travailleuses qui sont particulièrement marginalisée et ne bénéficient pas de la protection du droit du travail étasunien ». Mais en fait, la syndicalisation ne protège pas et ne peut pas protéger les femmes (ou les hommes) qui vendent des services sexuels sur OnlyFans.

Les défenseurs de la prostitution soutiennent que le fait de considérer l’exploitation sexuelle commerciale comme un « travail du sexe » faciliterait la prévention de la prostitution « forcée » et de la traite. Ils suggèrent qu’en reconnaissant la prostitution comme une forme légitime de « travail », les prostituées auraient alors accès à une série de ressources pour les protéger (comme des lois, des procédures de recours ou des syndicats officiellement reconnus). Mais là où les femmes prostituées sont officiellement reconnues comme des « travailleuses », par exemple dans les bordels légaux de Hollande, d’Allemagne, de Suisse ou du Nevada, les taux de violence et de coercition et les risques sanitaires sont plus élevés, et les femmes ne sont aucunement protégées par les soi-disant « droits du travail ».

Une enquête de la BBC a révélé que des enfants de 14 ans seulement étaient exploités sur le site OnlyFans. En réponse, cette entreprise a déclaré à la BBC qu’elle appliquait une « politique de tolérance zéro en matière d’exploitation sexuelle d’enfants ». Aux États-Unis, le vice-président du National Centre on Missing and Exploited Children (Centre national pour les enfants disparus et exploités) a révélé qu’en 2019, une douzaine d’enfants dont on sait qu’ils sont disparus ont été associés à des contenus sur OnlyFans. L’année dernière, le nombre de ces cas a presque triplé.

Pourquoi l’interdiction potentielle du porno par OnlyFans est-elle déplorée par tant de libéraux ? Des jeunes femmes vulnérables qui ont désespérément besoin d’argent sont même encouragées par les universités à se lancer dans toutes sortes de formes de prostitution, y compris la « danse-contact » (lap dance), l’escorting et la réalisation de vidéos en ligne. Pourquoi n’essaient-ils pas plutôt de soutenir financièrement les étudiantes et de les protéger des prédateurs ?

Le commerce du sexe, sous toutes ses formes, exploite principalement des femmes, et en particulier celles issues des milieux les plus marginalisés et des circonstances les plus horribles. Comment le commerce du sexe peut-il être un endroit sûr pour les femmes, alors qu’il est fondé sur la violence, l’exploitation et la misère ?

Malgré ce que prétend la propagande, seule une poignée de femmes gagnent des millions sur OnlyFans. Le revenu moyen est en fait de 130 euros par mois et la plupart des comptes rapportent moins de 118 euros aux participantes. Le site n’est pas non plus sans danger, comme je l’ai découvert en parlant à des femmes qui ont été traquées, harcelées et suivies jusque chez elles par des « clients » qui ont réussi à les localiser. Bon nombre de ces femmes ont subi des dommages psychologiques après avoir été contraintes de se déguiser en écolières et de réaliser des fantasmes de viol et d’abus sexuel dans l’enfance pour le compte de leurs « clients ».

Quelle que soit la façon dont on le déguise, OnlyFans semble n’être ni plus ni moins qu’un site de proxénétisme, et aucun effort d’aseptisation n’y changera rien. L’interdiction des pires contenus pornographiques est un pas dans la bonne direction. Mais la chose à faire quand une femme souffre de la faim n’est pas de l’encourager à se prostituer et d’excuser les hommes qui l’exploitent, mais de trouver d’autres moyens de lui mettre de la nourriture dans la bouche.

Julie Bindel

Julie Bindel est une militante féministe qui lutte contre la violence sexuelle. En plus de « The Pimping of Prostitution », elle s’apprête à publier un nouveau livre intitulé Feminism for Women (Le féminisme pour les femmes) qui paraît dans deux semaines au Royaume-Uni.

https://tradfem.wordpress.com/2021/08/21/branle-bas-de-combat-autour-donlyfans/

cov-feminism-for-women


De l’autrice :

Message aux hommes : le sexe n’est absolument pas un droit de l’homme, message-aux-hommes-le-sexe-nest-absolument-pas-un-droit-de-lhomme/

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Auteur : entreleslignesentrelesmots

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