Vérité(s), contretemps historiques, excès…

En premier lieu, une couverture. Hilma af Klint : The Swan, 1915. une pionnière dans l’art abstrait. Une peintresse (pour utiliser un terme banni par la masculinisation de la langue orchestrée par l’Académie française) oubliée comme beaucoup de femmes dans les histoires écrites par les hommes.

Ayant chroniqué ce livre en 2014 sous le titre : L’opérateur égalité permet de concevoir et d’inventer les nouveaux rapports entre sexesloperateur-egalite-permet-de-concevoir-et-dinventer-les-nouveaux-rapports-entre-sexes/, je ne traite que du post-scriptum intitulé « La « multiple vérité » ».

Une expression de Simone de Beauvoir, empruntée et déplacée par Geneviève Fraisse, « non pas celui de la vérité relative, vérités partielles ou vérités de points de vue, mais celui de la multiple vérité, vérité ouverte sur aujourd’hui, vérité au travail ». Approcher d’une vérité oblige à quelques précisions, ici et maintenant.

« La précision, c’est comme une exigence topographique, comme une sorte de géographie nécessaire où se dessinent des chemins, exactement des chemins de traverse : reste alors à choisir de les emprunter et de les croiser. C’est ce que j’ai proposé dans ce travail ». Je rappelle l’ancien sous-titre du livre : Concept, image, nudité.

L’autrice revient sur les chemins de la promesse conceptuelle du mot « genre », problème et solution ; et justement, les excès du genre signalent cette complexité. Un concept seul ne suffit pas, il y a d’autres concepts utiles. Les uns et les autres ne sauraient s’invalider.

Geneviève Fraisse discute de certains mots comme stéréotype et le risque de s’enfermer dans l’invariant. Elle propose cliché, « le cliché dit bien l’image mais n’en fait pas une substance », des images qui se répètent. L’autrice choisit aussi de « planter un nouveau repère lumineux », une image positive, le « modèle ».

Stéréotype, cliché, modèle, mais il ne faut pas oublier d’autres mots comme préjugé, ce qui dispense de penser, pré-jugé…

Les mots et la nudité des femmes, la nudité politique (pour rappel : La nudité politique des femmes n’est pas érotiquela-nudite-politique-des-femmes-nest-pas-erotique/), le corps nu des femmes, l’allégorie de la vérité, les révoltes du corps collectif aujourd’hui et son inscription dans les sentiers balisés du temps, « La nudité politique dit deux choses : la reprise, par les femmes, de leur corps, d’un corps, d’un corps sexuel qui sait aussi être porteur de signes, de langages ; et l’affirmation que le corps individuel est un corps collectif maltraité par les dominants, impensé de l’histoire des derniers siècles ». Un corps, un corps collectif, le multiple coexistant et s’opposant à l’un (« une alternative à ce qui se nomme « queer » aujourd’hui »).

Le corps, la raison, la politique, l’affrontement aux images, le geste subversif, une nouvelle représentation du monde, « les sexes font l’histoire »…

Comme le souligne l’autrice, « la sexualité et l’égalité ne font jamais consensus, et débordent toujours des discours ». Penser l’émancipation ne peut se réduire à analyser les dominations. Il nous faut des idées fortes pour parcourir les champs de la pensée. Elle propose ici le concept, l’image et la nudité.

« Toujours se remettre au travail »…

Geneviève Fraisse : Les excès du genre

Une enquête philosophique

Point Seuil 2019

Précédente édition chez Lignes 2014

96 pages, 6,50 euros

Didier Epsztajn


De l’autrice :

« Maintenant, c’est la question du corps des femmes qui est au cœur de l’émancipation »maintenant-cest-la-question-du-corps-des-femmes-qui-est-au-coeur-de-lemancipation/

Entretien : Geneviève Fraisse, l’indocile philosopheentretien-genevieve-fraisse-lindocile-philosophe/

Une histoire sans finune-histoire-sans-fin/

Le féminisme, ça pense, le-feminisme-ca-pense/

Avec l’événement actuel, c’est le corps qui se rebelle !avec-levenement-actuel-cest-le-corps-qui-se-rebelle-entretien-avec-genevieve-fraisse/

Préface « Paradoxe et vérité » à la réédition de l’ouvrage de Choderlos de Laclos : « De l’éducation des femmes »preface-de-genevieve-fraisse-paradoxe-et-verite-a-la-reedition-de-louvrage-de-choderlos-de-laclos-de-leducation-des-femmes/

« De l’éducation des femmes » : la réponse de Laclos au « droit d’importuner »de-leducation-des-femmes-la-reponse-de-laclos-au-droit-dimportuner/

Automne 2017 : fin de la disqualification ?automne-2017-fin-de-la-disqualification/

Tribune pour une « liberté d’importuner » : « A chaque fois qu’il y a une révolution féministe, on crie « danger » »tribune-pour-une-liberte-dimportuner-a-chaque-fois-quil-y-a-une-revolution-feministe-on-crie-danger/

Violences sexuelles : « Le fait divers est devenu politique »violences-sexuelles-le-fait-divers-est-devenu-politique/

L’extraordinaire sexisme ordinairelextraordinaire-sexisme-ordinaire/

Heureusement qu’à 17 ans, je n’ai pas compris…/heureusement-qua-17-ans-je-nai-pas-compris/

Elle a su délier la vie de la mort, et la mort de la vie, elle-a-su-delier-la-vie-de-la-mort-et-la-mort-de-la-vie/

Colporteuse, ou l’épreuve de l’histoirecolporteuse-ou-lepreuve-de-lhistoire/

Le corps de la femme est un écran où chacun projette sa violencele-corps-de-la-femme-est-un-ecran-ou-chacun-projette-sa-violence/

Les amis de nos amisles-amis-de-nos-amis/

C’est du politiquecest-du-politique/

Le couple Fillon se trompe d’époquele-couple-fillon-se-trompe-depoque/

Le voile, le burkini et l’impureté de l’Histoirele-voile-le-burkini-et-limpurete-de-lhistoire/

« À rebours » : préface de Geneviève Fraisse à l’ouvrage de Carole Pateman : Le Contrat sexuel (1988)a-rebours-preface-de-genevieve-fraisse-a-louvrage-de-carole-pateman-le-contrat-sexuel-1988/

Préface à : Femmes, genre, féminismes en Méditerranée, « Le vent de la pensée », Hommage à Françoise Collin. Textes et documents réunis et présentés par Christiane Veauvy et Mireille Azzougpreface-de-genevieve-fraisse-a-femmes-genre-feminismes-en-mediterranee-le-vent-de-la-pensee-hommage-a-francoise-collin-textes-et-documents-reunis-et-presentes-par-c/

L’Histoire comme phénomène – préface pour Alain Brossat, Les Tondues, un carnaval moche (1993)lhistoire-comme-phenomene/

Présentation de : Fanny Raoul : Opinion d’une femme sur les femmesComme une parole donnée à l’espace commun

Olympe de Gouges et la symbolique féministeolympe-de-gouges-et-la-symbolique-feministe-entretien-avec-genevieve-fraisse/

Affaire DSK : le fait divers, c’est du politiqueaffaire-dsk-le-fait-divers-cest-du-politique/

Olympe de Gouges voulait se souvenir du peupleolympe-de-gouges-voulait-se-souvenir-du-peuple/

Encore et toujours, le droit de l’avortement est en dangerencore-et-toujours-le-droit-de-lavortement-est-en-danger/

Le pape, compassion n’est pas raison ?le-pape-compassion-nest-pas-raison/

Sexe, politique, parole publiquesexe-politique-parole-publique/

*

Notes de lectures

Le Privilège de Simone de Beauvoirune-historicite-susceptible-douvrir-le-chemin-de-la-liberation/

Du consentement, édition augmentée, un nouveau chapitre, etre-exclue-du-pouvoir-ne-premunit-pas-necessairement-contre-ses-sortileges/

La sexuation du monde. Réflexions sur l’émancipation il-ny-a-pas-de-toust-temps/

Les excès du genre loperateur-egalite-permet-de-concevoir-et-dinventer-les-nouveaux-rapports-entre-sexes/

Du consentement Car dire « oui », c’est aussi pouvoir dire « non »

La fabrique du féminisme. Textes et entretiens La surdité commune à l’égard du féminisme est comme une « ritournelle »

Service ou servitude. Essai sur les femmes toutes mains Rendre au mot service toute son opacité

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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