Textes sur l’Ukraine (3)

  • Non à l’agression impérialiste de la Russie contre l’Ukraine
  • Déclaration du Comité exécutif du Congrès des syndicats démocratiques de Biélorussie
  • Danya P. : Pour le défaitisme révolutionnaire
  • Sotsialnyi Ruh : Arrêtez Immédiatement L’agression De Poutine !
  • Déclaration du Comité national de l’OZZ Inicjatywa Pracownicza (Syndicat d’initiative des travailleurs) sur l’agression russe contre l’Ukraine
  • Communiqué de la Confédération du travail de Russie (KTR)
  • Les femmes l’exigent : Non à la guerre en Ukraine, Non à l’OTAN !
  • Taras Bilous : « Une lettre de Kiev à une gauche occidentale »
  • Stop à l’agression russe en Ukraine ! Pour une Ukraine libre et souveraine pour les travailleurs et travailleuses !
  • Santiago Alba Rico : « Non à la guerre ». Le sens de certains slogans face à l’invasion de l’Ukraine par le régime de Poutine ?
  • Vanesa Jiménez : Comme c’est triste de regarder la guerre

Non à l’agression impérialiste de la Russie contre l’Ukraine

Quelques jours après la reconnaissance de l’indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass par Moscou, l’armée de Vladimir Poutine a lancé le 24 février une attaque massive contre l’Ukraine, avec frappes aériennes et invasion terrestre. Quelques heures après le début de cette offensive militaire, on comptait déjà plusieurs dizaines de morts avec des combats proches de toutes les grandes villes ukrainiennes et de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Cette offensive militaire russe intervient huit ans après que Moscou a annexé la Crimée et soutenu la prise de contrôle de régions du Donbass par des séparatistes, déclenchant un conflit qui a fait plus de 14 000 mort·e·s et 2 millions de réfugié·e·s. Dans ce contexte, lemouvement solidaritéS condamne l’agression militaire impérialiste russe et appelle à l’arrêt des bombardements et au retrait des troupes russes des territoires occupés ukrainiens, et la fin de l’ingérence russe en Ukraine. Nous affirmons notre solidarité avec les populations civiles agressées.

En ce moment-même, l’Europe est très proche d’une guerre généralisée et meurtrière pouvant affecter la paix et la sécurité de toutes ses nations. Poutine se lance ouvertement dans un chantage nucléaire. Le Conseil Fédéral dénonce, il condamne, il regrette et propose ses bons offices. Il ne prend pas pour autant de sanctions directes, le gel des comptes n’est pas sur son agenda. Mais au fait, pourquoi la Suisse se tortille-t-elle pareillement ? Un tiers des fonds détenus par des entreprises et des personnes physiques russes à l’étranger se trouve en Suisse. 98% des gestionnaires russes interrogés disaient que leurs clients citaient la Suisse comme pays de prédilection pour mettre leur argent à l’abri. Quelque 80% des matières premières russes seraient vendues depuis la Suisse. Trois quarts du pétrole russe seraient vendus à Genève.

La Suisse joue un rôle central dans la vente des matières premières et la gestion des fortunes russes. C’est aussi la Suisse qui peut empêcher la catastrophe d’arriver. La question de savoir si la vie de milliers d’Ukrainien·ne·s, ainsi que le maintien de la paix en Europe, vaut un tel sacrifice. Il s’agit d’une question éthique plutôt que d’une question financière, que le Conseil Fédéral doit se poser. Il est temps pour elle d’assumer ses responsabilités.

Nous appelons le Conseil Fédéral à prendre des sanctions politiques contre le gouvernement russe, responsable direct de cette guerre. Nous demandons des sanctions économiques ciblées, les plus sévères possibles, contre les oligarques russes qui utilisent les services financiers de la Suisse pour protéger leurs fortunes. Le Conseil Fédéral doit geler les fonds de ces derniers présents dans les banques en Suisse. Les autorités suisses devraient de même supprimer les privilèges fiscaux accordés aux oligarques proches du régime poutinien.

Nous demandons également au Conseil Fédéral d’accueillir dignement les personnes menacées par l’offensive militaire russe et d’apporter une aide humanitaire aux populations déplacées.

Nous apportons notre soutien aux forces progressistes qui luttent pour la démocratie et la justice sociale en Ukraine, en construisant une solidarité internationale par en bas contre l’invasion de l’armée russe. Nous affirmons également notre solidarité avec les organisations et personnalités qui se mobilisent en Russie contre la guerre.

Nous soutenons le droit à l’autodétermination de la population ukrainienne et la protection des droits des minorités nationales du pays. Ni la Russie ni l’OTAN ne défendront ces droits. Nous demandons le démantèlement de toutes les bases militaires situées en dehors de leur pays d’origine, la liquidation de l’OTAN dirigée par les États-Unis et de l’OTSC dirigée par la Russie.

Ces évènements d’une extrême gravité rappellent plus que jamais la nécessité de construire une mobilisation internationaliste pour donner aux peuples une voix différente de celles des États et solidaire des populations ukrainiennes contre toutes les politiques qui les agressent et les oppriment. Les gouvernements n’initieront pas cette marche vers la paix. Nous devons l’organiser nous-mêmes.

Non à l’agression impérialiste de la Russie contre l’Ukraine !

Solidarité internationaliste !

solidaritéS CH

Vendredi 25 février

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61274

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Déclaration du Comité exécutif du Congrès des syndicats démocratiques de Biélorussie

Aucune nation au monde ne souhaite la guerre. Les peuples russe, ukrainien et bélarussien ne font pas exception. Peu de peuples dans le monde ont subi des pertes aussi terribles et sacrifié la vie de dizaines de millions de leurs citoyens dans leur histoire comme l’ont fait nos trois peuples, des peuples qui sont si proches les uns des autres. Et le fait que le gouvernement russe ait déclenché une guerre contre l’Ukraine aujourd’hui ne peut être compris, justifié ou pardonné. Le fait que l’agresseur ait envahi l’Ukraine depuis le territoire du Belarus avec le consentement des autorités bélarussiennes ne peut être ni justifié ni pardonné.

Des choses irréparables se sont produites, et leurs conséquences à long terme sur la vie de plusieurs générations empoisonneront les relations entre Russes, Ukrainiens et Biélorusses. Au nom des membres des syndicats indépendants du Bélarus, des travailleurs de notre pays, nous nous inclinons devant vous, nos frères et sœurs ukrainiens. Nous vous présentons nos excuses pour la honte, la honte que le gouvernement biélorusse a imposée à tous les Biélorusses, en étant devenu l’allié de l’agresseur et en lui ayant ouvert la frontière avec l’Ukraine.

Toutefois, nous tenons à vous assurer, chers Ukrainiens, que la grande majorité des Biélorusses, y compris les travailleurs, condamnent les actions irréfléchies du régime biélorusse actuel qui tolère l’agression russe contre l’Ukraine. Nous exigeons une cessation immédiate des hostilités et le retrait des troupes russes d’Ukraine, ainsi que du Bélarus.

En cette période difficile et fatidique, nous déclarons que nos esprits et nos cœurs sont avec vous, chers Ukrainiens. Nous vous souhaitons de résister et de vaincre.

Vive le Belarus ! Gloire à l’Ukraine !

Congrès des syndicats démocratiques de Biélorussie

http://www.laboursolidarity.org/Ukraine-declaration-du-Comite

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Pour le défaitisme révolutionnaire

J’espère que les forces armées de la Fédération de Russie seront vaincues dans la guerre qui a commencé. Mes espoirs ne naissent pas de la haine, mais de l’amour. Les victoires militaires du régime de Poutine n’apporteront rien aux citoyens russes, si ce n’est la mort d’êtres chers, l’effondrement définitif de l’économie et le renforcement du régime. Ces victoires ne peuvent produire qu’une euphorie à court terme, dont l’effet narcotique ne fait que détourner l’attention des problèmes sans fin de la Russie et de la reconnaissance du besoin de les résoudre.

Chaque ville qui est saisie, chaque village qui est occupé – c’est plus de gens dont l’avenir leur sera volé. Car pour le régime de Poutine, il n’y a pas de place pour l’avenir, il n’y a que le présent pourri et l’effort pour nous ramener tou.te.s vers un passé encore plus misérable. Ce régime fait tout son possible pour faire tourner les roues de l’histoire en arrière, pour ramener l’économie, la culture et la société à un état plus primitif. Une défaite dans la guerre donnerait un avenir au peuple russe, lui ouvrirait les yeux sur le caractère essentiel du régime de Poutine et lui donnerait la force de lutter pour la démocratie et la justice sociale.

Danya P., militante du Mouvement socialiste russe.

Traduction depuis l’anglais par Mauro Gasparini

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61261

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Arrêtez Immédiatement L’agression De Poutine !

« L’Ukraine a été directement attaquée par l’impérialisme russe. Vladimir Poutine a ordonné de violer les frontières de l’Ukraine et de lancer des frappes de missiles sur ses plus grandes villes. 10 civils à Odessa et dans le Donbass ont déjà été tué.e.s. Un civil du centre de l’Ukraine (Ouman, Oblast de Tcherkassy) a également été tué dans les bombardements. Les soldats, avions et véhicules blindés russes attaquent les forces ukrainiennes dans toutes les régions frontalières (régions de Kharkiv, Tchernihiv, Volyn). Leurs roquettes atteignent même des villes de l’ouest de l’Ukraine (Ivano-Frankivsk). Cependant, les défenseurs de l’Ukraine opposent actuellement une résistance farouche aux occupants.

La raison de cette opération militaire est l’ambition impériale de Poutine. Son gouvernement veut soumettre le peuple ukrainien, qui ne soutient pas une dictature autoritaire.

Dans le cadre de ces circonstances extraordinaires, le gouvernement devrait nationaliser les entreprises stratégiques, ainsi que saisir les biens des milliardaires pour garantir l’accès du public aux médicaments, aux transports, au logement, à la nourriture. C’est pourquoi la politique de l’État devrait avoir pour but de garantir les intérêts des travailleur.se.s qui sont en première ligne. Nous considérons qu’il est nécessaire de participer à des activités bénévoles et d’organiser l’entraide sur la base des syndicats et d’autres communautés.

NOUS APPELONS les socialistes du monde entier à descendre dans la rue et à exiger la fin de l’agression russe en Ukraine, en imposant des sanctions sévères à l’économie russe (déconnexion de SWIFT, saisie des biens des oligarques), le retrait des troupes russes et l’arrêt des bombardements des villes, l’annulation de la dette extérieure de l’Ukraine et l’aide humanitaire à l’Ukraine.

Il est temps de lutter ensemble pour l’indépendance, la vie et un avenir libre ! La solidarité vaincra ! »

Sotsialnyi Ruh

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61260

Ukraine: Stop Putin’s Aggression Immediately!

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61255

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Une déclaration du Comité national de l’OZZ Inicjatywa Pracownicza (Syndicat d’initiative des travailleurs) sur l’agression russe contre l’Ukraine, 24 février 2022.

Au vu de l’invasion des troupes russes sur l’Ukraine, le Comité national d’OZZIP souhaite exprimer sa solidarité envers les civils ukrainiens, les syndicats ukrainiens et les citoyens ukrainiens vivant et travaillant en Pologne. Nous sommes également solidaires des citoyens de la Fédération de Russie qui protestent contre la guerre et le militarisme en général. Les conflits militaires servent les élites financières qui s’enrichissent grâce au commerce des armes et à l’exploitation des ressources naturelles, ainsi que les gouvernements qui construisent leur capital politique sur la menace de guerre. L’impérialisme – peu importe qui est derrière – est toujours contraire aux intérêts des travailleurs, quelle que soit leur nationalité.

Pour des millions de travailleurs, la bataille mondiale pour le pouvoir et la richesse entraîne la mort, la destruction et une pauvreté encore plus grande. Les travailleurs se battent en première ligne de guerres qu’ils n’ont pas provoquées. Leurs maisons s’effondrent sous les bombes et les roquettes.La semaine dernière, la population ukrainienne a été choquée d’apprendre que des politiciens et des oligarques quittaient l’Ukraine à bord de jets privés et d’avions affrétés. Les syndicats et les organisations sociales ukrainiens ont demandé la nationalisation de leurs richesses et leur affectation au soutien de la population civile.

Plus d’un million de citoyens ukrainiens vivent et travaillent en Pologne. Leur nombre augmente également dans les rangs de notre syndicat. Les travailleurs ukrainiens souffrent de conditions de travail très difficiles, souvent en dessous du salaire légal et avec des horaires non réglementés. Le déclenchement de la guerre entraîne une anxiété supplémentaire concernant les êtres chers qu’ils ont laissés dans leur pays et un avenir incertain. À partir d’aujourd’hui, ils doivent partager leur temps entre la lutte pour la survie en Pologne et le suivi de l’actualité avec les bombes qui tombent sur leur ville natale.

Nous souhaitons exprimer notre entière solidarité avec nos camarades et toutes les victimes de la guerre. De plus, nous souhaitons déclarer que nous serons présents à toutes les manifestations anti-guerre.

Non à la guerre ! Oui à la solidarité internationale des travailleurs !

http://www.laboursolidarity.org/Contre-la-guerre-pour-la

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Communiqué de la Confédération du travail de Russie (KTR)

La Confédération du Travail de Russie, en tant que partie du mouvement syndical international, considérant ses responsabilités directes envers les travailleurs de Russie, d’Ukraine et du monde entier, et reconnaissant son rôle dans la promotion et la garantie de la paix entre les peuples, est extrêmement perturbée par les événements qui se déroulent actuellement.

La Confédération du travail de Russie est convaincue que tous les désaccords et toutes les contradictions, aussi profonds et anciens soient-ils, doivent être résolus par des négociations, sur la base de la bonne volonté et de l’adhésion au principe de la paix mondiale. Cette vision fait partie intégrante de la perspective mondiale et antimilitariste du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle, et s’est concrétisée par la création d’institutions et de mécanismes internationaux chargés de garantir la paix.

La Confédération du travail de Russie constate, avec une grande amertume, que ce sont les travailleurs de nos pays, des deux côtés, qui souffrent en conséquence directe du conflit militaire. L’intensification du conflit menace de provoquer un choc dévastateur sur les économies et les systèmes de soutien social de nos nations, ainsi qu’une baisse du niveau de vie des travailleurs. Elle ouvrirait la porte à une vague massive de violations des droits du travail des citoyens travailleurs.

Compte tenu de tout ce qui précède, la Confédération du travail de Russie exprime sa conviction de la nécessité de mettre fin à l’action militaire, aussi rapidement que possible, et de renouer le dialogue et la coexistence pacifiques entre les peuples multinationaux de Russie et d’Ukraine.

Le Conseil de la Confédération du Travail de Russie

Le 25 février 2022

http://www.laboursolidarity.org/Communique-de-la-Confederation-du

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Les femmes l’exigent : Non à la guerre en Ukraine, Non à l’OTAN !

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La tension et l’escalade militaire, qui ont eu lieu en Europe de l’Est ces derniers jours et qui ont atteint leur apogée suite aux déclarations de Vladimir Poutine, ont des conséquences dangereuses pour les peuples d’Europe, de Russie et d’Ukraine. Les envois quotidiens de soldats et la course à l’armement dans le cadre du bellicisme de l’impérialisme rendent la situation très préoccupante. Le monde est une fois de plus au bord d’une terrible guerre, après les ambitions impérialistes, au nom d’intérêts économiques, désireux de prouver ses prétentions à un grand État. Le coût de cette guerre sera très lourd, surtout pour les peuples d’Ukraine, de Russie, d’Europe et de tous les pays de la région.

Depuis sa création, la Marche mondiale des femmes a affirmé son engagement dans la lutte pour la paix et le rejet de la guerre et de la militarisation de la société. Parce que la guerre est l’une des expressions les plus vivantes de la discrimination dont sont victimes les femmes et les enfants.

La coordination de la Marche mondiale des femmes de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord – MENA dénonce la guerre contre le peuple ukrainien, qui cible particulièrement les femmes et les enfants. Nous soulignons l’ampleur de l’impact de cette guerre sur la région arabe, en particulier les zones de conflit sur les femmes et les enfants en Palestine, au Yémen, au Liban et en Syrie. Nous exprimons notre inquiétude face aux attaques contre les femmes et les enfants, contre leur droit à la paix et à la sécurité ; et aussi la crainte que la population subisse le même sort que les femmes et les enfants palestiniens à cause du vol de leurs terres et des attaques quotidiennes contre les besoins fondamentaux de la vie, dans le respect des droits de l’homme et de la légitimité universelle depuis 1974, la guerre de l’entité sioniste contre le peuple palestinien.

Nous, la Marche Mondiale des Femmes, rejetons toute menace et attaque militaire contre un Etat souverain. L’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine doivent être respectées. Les États-Unis et OTAN devraient annoncer qu’ils ont retiré leurs mains de l’Ukraine, et devraient cesser d’envoyer des armes et des munitions à ce pays dès que possible. L’impérialisme répète ce qu’il a fait en Irak et en Syrie, cette fois-ci d’une manière différente en Ukraine, et une fois de plus il fait souffrir les peuples du monde. Le conflit entre les grandes puissances fait payer un lourd tribut à l’humanité.

La Marche mondiale des femmes est solidaire de toutes les forces politiques et sociales en Ukraine, en Russie et dans le monde entier qui défendent une solution pacifique à la guerre.

Nous, avec notre position anti-impérialiste et anti-guerre, mobiliserons les femmes dans la lutte contre la guerre en Ukraine et dans la région.

Nous résistons pour vivre, nous marchons pour transformer !

Marche mondiale des femmes, 24 février 2022.

https://marchemondiale.org/index.php/2022/02/25/les-femmes-lexigent-non-a-la-guerre-en-ukraine-non-a-lotan/?lang=fr

Women demand it: NO to war in Ukraine, No to NATO!

https://marchemondiale.org/index.php/2022/02/25/women-demand-it-no-to-war-in-ukraine-no-to-nato/

Las mujeres lo exigen: ¡NO a la guerra en Ucrania, No a la OTAN!

https://marchemondiale.org/index.php/2022/02/25/las-mujeres-lo-exigen-no-a-la-guerra-en-ucrania-no-a-la-otan/?lang=es

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« Une lettre de Kiev à une gauche occidentale »

J’écris ces lignes à Kiev, alors que la ville est attaquée par l’artillerie.

Jusqu’à la dernière minute, j’avais espéré que les troupes russes ne lanceraient pas une invasion à grande échelle. Maintenant, je ne peux que remercier ceux qui ont transmis l’information aux services de renseignement des Etats-Unis.

Hier, j’ai passé la moitié de la journée à me demander si je devais rejoindre une unité de défense territoriale. Dans la nuit qui a suivi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un ordre de mobilisation générale et les troupes russes ont avancé et se sont préparées à encercler Kiev, ce qui m’a décidé.

Mais avant de prendre mon poste, je voudrais communiquer à la gauche occidentale ce que je pense de sa réaction face à l’agression de la Russie contre l’Ukraine.

Tout d’abord, je suis reconnaissant aux membres de la gauche qui organisent maintenant des piquets de grève devant les ambassades russes – même ceux qui ont pris leur temps pour réaliser que la Russie était l’agresseur dans ce conflit.

Je suis reconnaissant aux politiciens qui soutiennent l’idée de faire pression sur la Russie pour qu’elle mette fin à l’invasion et retire ses troupes.

Et je suis reconnaissant envers la délégation de députés, de syndicalistes et de militants britanniques et gallois qui sont venus nous soutenir et nous écouter dans les jours qui ont précédé l’invasion russe.

Je suis également reconnaissant à la Campagne de solidarité avec l’Ukraine au Royaume-Uni pour son aide pendant de nombreuses années.

Cet article concerne l’autre partie de la gauche occidentale. Ceux qui ont imaginé « l’agression de l’OTAN en Ukraine », et qui étaient incapables de voir l’agression russe – comme la section de la Nouvelle-Orléans des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA).

Ou le Comité international de DSA, qui a publié une déclaration honteuse ne disant pas un seul mot critique contre la Russie (je suis très reconnaissant à Stephen R. Shalom, Dan La Botz. Thomas Harrison pour leur critique de cette déclaration).

Ou ceux qui ont critiqué l’Ukraine pour ne pas avoir appliqué les accords de Minsk et ont gardé le silence sur la violation de ces accords par la Russie et les prétendues « républiques populaires » [Donetsk et Lougansk].

Ou ceux qui ont exagéré l’influence de l’extrême-droite en Ukraine, mais n’ont pas remarqué l’extrême-droite dans les « républiques populaires » et ont évité de critiquer la politique conservatrice, nationaliste et autoritaire de Poutine. Vous êtes en partie responsable de ce qui se passe.

Cela fait partie d’un phénomène plus large dans le mouvement « anti-guerre » occidental, généralement appelé « campisme » par les critiques de la gauche. L’auteure et militante britannico-syrienne Leila Al-Shami lui a donné un nom plus fort : l’« anti-impérialisme des idiots ». Lisez son merveilleux essai de 2018 si vous ne l’avez pas encore fait. Je ne répéterai ici que la thèse principale: l’activité d’une grande partie de la gauche « anti-guerre » occidentale sur la guerre en Syrie n’avait rien à voir avec l’arrêt de la guerre. Elle s’est seulement opposée à l’ingérence occidentale, tout en ignorant, voire en soutenant, l’engagement de la Russie et de l’Iran, sans parler de leur attitude envers le régime Assad « légitimement élu » en Syrie.

« Un certain nombre d’organisations anti-guerre ont justifié leur silence sur les interventions russes et iraniennes en arguant que « l’ennemi principal est à la maison », écrit Al-Shami. « Cela les dispense d’entreprendre toute analyse sérieuse du pouvoir pour déterminer qui sont réellement les principaux acteurs de la guerre. »

Malheureusement, nous avons vu le même cliché idéologique se répéter à propos de l’Ukraine. Même après que la Russie a reconnu l’indépendance des « républiques populaires » en début de semaine, Branko Marcetic, rédacteur du magazine étatsunien de gauche Jacobin, a rédigé un article presque entièrement consacré à la critique des Etats-Unis. En ce qui concerne les actions de Poutine, il est allé jusqu’à faire remarquer que le dirigeant russe avait « signalé des ambitions moins que bienveillantes ». Sérieusement ?

Je ne suis pas un fan de l’OTAN. Je sais qu’après la fin de la Guerre froide, le bloc (OTAN) a perdu sa fonction défensive et a mené des politiques agressives. Je sais que l’expansion de l’OTAN vers l’Est a sapé les efforts visant au désarmement nucléaire et à former un système de sécurité commun. L’OTAN a tenté de marginaliser le rôle des Nations unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et de les discréditer en les qualifiant d’« organisations inefficaces ». Mais nous ne pouvons pas revenir sur le passé. Nous devons nous fixer sur les circonstances actuelles lorsque nous cherchons un moyen de sortir de cette situation.

Combien de fois la gauche occidentale a-t-elle évoqué les promesses informelles des Etats-Unis à l’ancien président russe, Mikhaïl Gorbatchev, au sujet de l’OTAN (« pas un pouce vers l’est »), et combien de fois a-t-elle mentionné le Mémorandum de Budapest de 1994 qui garantit la souveraineté de l’Ukraine ? Combien de fois la gauche occidentale a-t-elle soutenu les « préoccupations légitimes en matière de sécurité » de la Russie, un Etat qui possède le deuxième plus grand arsenal nucléaire du monde ? Et, par contre, combien de fois a-t-elle rappelé les préoccupations sécuritaires de l’Ukraine, un Etat qui a dû échanger ses armes nucléaires, sous la pression des Etats-Unis et de la Russie, contre un morceau de papier (le Mémorandum de Budapest) que Poutine a piétiné définitivement en 2014 ? Les critiques de gauche de l’OTAN ont-ils jamais pensé que l’Ukraine est la principale victime des changements provoqués par l’expansion de l’OTAN ?

A maintes reprises, la gauche occidentale a répondu à la critique de la Russie en mentionnant l’agression des Etats-Unis contre l’Afghanistan, l’Irak et d’autres Etats. Bien sûr, ces Etats doivent être inclus dans la discussion – mais comment, exactement ?

L’argument de la gauche devrait être qu’en 2003, les autres gouvernements n’ont pas exercé suffisamment de pression sur les Etats-Unis à propos de l’Irak. Non pas qu’il soit nécessaire d’exercer moins de pression sur la Russie au sujet de l’Ukraine maintenant.

Une erreur évidente

Imaginez un instant qu’en 2003, lorsque les Etats-Unis se préparaient à envahir l’Irak, la Russie se soit comportée comme les Etats-Unis l’ont fait ces dernières semaines : avec des menaces d’escalade.

Imaginez maintenant ce que la gauche russe aurait pu faire dans cette situation, selon le dogme « notre principal ennemi est chez nous ». Aurait-elle critiqué le gouvernement russe pour cette « escalade », en disant qu’il « ne devrait pas réduire les contradictions inter-impérialistes » ? Il est évident pour tout le monde qu’un tel comportement, dans ce cas, aurait été une erreur. Pourquoi n’était-ce pas évident dans le cas de l’agression contre l’Ukraine ?

Si les Etats-Unis et la Russie parvenaient à un accord et commençaient une nouvelle guerre froide contre la Chine, serait-ce vraiment ce que nous voulons ?

Dans un autre article de Jacobin datant du début de ce mois, Marcetic est allé jusqu’à dire que Tucker Carlson de Fox News avait « complètement raison » à propos de la « crise ukrainienne ». Ce que Carlson avait fait, c’était remettre en question « la valeur stratégique de l’Ukraine pour les Etats-Unis ». Même Tariq Ali, dans la New Left Review,  a cité de manière approbatrice le calcul de l’amiral allemand Kay-Achim Schönbach, qui a déclaré qu’exprimer du « respect » à Poutine au sujet de l’Ukraine était « un coût faible, voire nul » étant donné que la Russie pourrait être un allié utile contre la Chine. Etes-vous sérieux ? Si les Etats-Unis et la Russie pouvaient s’entendre et commencer une nouvelle guerre froide contre la Chine en tant qu’alliés, serait-ce vraiment ce que nous voulons ?

Réformer l’ONU

Je ne suis pas un fan de l’internationalisme libéral. Les socialistes devraient le critiquer. Mais cela ne signifie pas que nous devons soutenir la division des « sphères d’intérêt » entre les Etats impérialistes. Au lieu de chercher un nouvel équilibre entre les deux impérialismes, la gauche doit lutter pour une démocratisation de l’ordre de sécurité international. Nous avons besoin d’une politique mondiale et d’un système mondial de sécurité internationale. Nous avons ce dernier : c’est l’ONU. Oui, elle a beaucoup de défauts, et elle est souvent l’objet de justes critiques. Mais on peut critiquer soit pour récuser quelque chose, soit pour l’améliorer. Dans le cas de l’ONU, nous avons besoin de cette dernière. Nous avons besoin d’une vision de gauche pour la réforme et la démocratisation de l’ONU.

Bien sûr, cela ne signifie pas que la gauche doit soutenir toutes les décisions de l’ONU. Mais un renforcement global du rôle de l’ONU dans la résolution des conflits armés permettrait à la gauche de minimiser l’importance des alliances militaro-politiques et de réduire le nombre de victimes. (Dans un article précédent, j’ai écrit comment les casques bleus auraient pu aider à résoudre le conflit de Donbass. Malheureusement, cela n’est plus d’actualité aujourd’hui). Après tout, nous avons également besoin de l’ONU pour résoudre la crise climatique et d’autres problèmes mondiaux. La réticence de nombreuses forces de gauche internationales à y faire appel est une terrible erreur.

Après l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, David Broder, rédacteur en chef de Jacobin Europe, a écrit que la gauche « ne devrait pas s’excuser de s’opposer à une réponse militaire américaine ». Ce n’était pas l’intention de Biden de toute façon, comme il l’a dit à plusieurs reprises. Mais une grande partie de la gauche occidentale devrait honnêtement admettre qu’elle a complètement « merdé » dans la formulation de sa réponse à la « crise ukrainienne ».

Mon point de vue

Je terminerai en parlant brièvement de moi-même et de mon point de vue.

Au cours des huit dernières années, la guerre du Donbass a été la principale question qui a divisé la gauche ukrainienne. Chacun d’entre nous a formé sa position sous l’influence de son expérience personnelle et d’autres facteurs. Ainsi, un autre militant de gauche ukrainien aurait écrit cet article différemment.

Je suis né dans le Donbass, mais dans une famille ukrainophone et nationaliste. Mon père s’est engagé dans l’extrême droite dans les années 1990, en observant le déclin économique de l’Ukraine et l’enrichissement de l’ancienne direction du Parti communiste, qu’il combattait depuis le milieu des années 1980. Il a bien sûr des opinions très anti-russes, mais aussi anti-américaines. Je me souviens encore de ses paroles le 11 septembre 2001. Alors qu’il regardait les tours jumelles s’effondrer à la télévision, il a déclaré que les responsables étaient des « héros » (il ne le pense plus – maintenant il croit que les Américains les ont fait exploser exprès).

Lorsque la guerre a commencé dans le Donbass en 2014, mon père a rejoint le bataillon d’extrême droite Aidar en tant que volontaire, ma mère a fui Lougansk, et mon grand-père et ma grand-mère sont restés dans leur village qui est tombé sous le contrôle de la « République populaire de Lougansk ». Mon grand-père a condamné la révolution ukrainienne de l’Euromaïdan. Il soutient Poutine qui, dit-il, a « rétabli l’ordre en Russie ». Néanmoins, nous essayons tous de continuer à nous parler (mais pas de politique) et à nous entraider. J’essaie d’avoir de la sympathie pour eux. Après tout, mon grand-père et ma grand-mère ont passé toute leur vie à travailler dans une ferme collective. Mon père était un ouvrier du bâtiment. La vie n’a pas été tendre avec eux.

Les événements de 2014 – la révolution suivie de la guerre – m’ont poussé dans la direction opposée de la plupart des gens en Ukraine. La guerre a tué le nationalisme en moi et m’a poussé vers la gauche. Je veux me battre pour un meilleur avenir pour l’humanité, et non pour la nation. Mes parents, avec leur traumatisme post-soviétique, ne comprennent pas mes opinions socialistes. Mon père est dédaigneux à l’égard de mon « pacifisme », et nous avons eu une conversation désagréable après que je me sois présenté à une manifestation antifasciste avec une pancarte demandant la dissolution du régiment Azov d’extrême droite.

Lorsque Volodymyr Zelensky est devenu président de l’Ukraine au printemps 2019, j’ai espéré que cela pourrait empêcher la catastrophe qui se déroule actuellement. Après tout, il est difficile de diaboliser un président russophone qui a gagné avec un programme de paix pour le Donbass et dont les blagues étaient populaires parmi les Ukrainiens comme les Russes. Malheureusement, je me suis trompé. Si la victoire de Volodymyr Zelensky a changé l’attitude de nombreux Russes envers l’Ukraine, cela n’a pas empêché la guerre.

Ces dernières années, j’ai écrit sur le processus de paix et sur les victimes civiles des deux côtés de la guerre du Donbass. J’ai essayé de promouvoir le dialogue. Mais tout cela est parti en fumée, maintenant. Il n’y aura pas de compromis. Poutine peut planifier ce qu’il veut, mais même si la Russie s’empare de Kiev et instaure son gouvernement d’occupation, nous y résisterons. La lutte durera jusqu’à ce que la Russie quitte l’Ukraine et paie pour toutes les victimes et toutes les destructions.

Mes derniers mots s’adressent donc au peuple russe : dépêchez-vous de renverser le régime de Poutine. C’est dans votre intérêt comme dans le nôtre.

 

Lettre ouverte de l’historien Taras Bilous, un militant de premier plan de l’organisation ukrainienne Social Movement et éditeur de la revue Commons.

Publié par Open Democracy, le 25 février 2022 ; traduction par la rédaction de A l’Encontre

http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/ukraine-une-lettre-de-kiev-a-la-gauche-occidentale.html

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Stop à l’agression russe en Ukraine ! Pour une Ukraine libre et souveraine pour les travailleurs et travailleuses !

Déclaration du Réseau syndical international de solidarité et de luttes.

Jeudi 24 février, la Russie a commencé son opération militaire en Ukraine après que Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance des territoires de Donetsk et de Louhansk.

Les troupes russes ont envahi le territoire du Donbass, attaquant des installations militaires suspectes. Des rapports et des enregistrements font état de bombardements et d’attaques terrestres dans toute l’Ukraine, y compris dans la capitale Kiev.

Les offensives du gouvernement Poutine visent à affaiblir la résistance militaire afin de renverser le gouvernement Zelensky, qui est subordonné aux intérêts impérialistes des États-Unis, de l’OTAN et de l’Union européenne.

Nous ne pouvons pas accepter la répression militaire et l’intervention contre le peuple qui est le fait de la Russie ; il est tout aussi inacceptable d’ouvrir un espace quelconque aux représentants de l’impérialisme qui cherchent à étendre leur domination avec des guerres qui garantissent le profit et plus de pouvoir pour les capitalistes.

L’invasion militaire russe a des conséquences dramatiques en termes de déplacement de populations, de régression des conditions de vie des travailleurs et travailleuses, de régression des libertés syndicales et autres libertés démocratiques.

La guerre ne profite qu’aux puissants, aux marchands d’armes et aux capitalistes. Les travailleurs, travailleuses, le peuple subiront la mort, la privation de liberté, le viol et le pillage, la destruction. Les conséquences militaires et économiques vont au-delà du territoire de l’Ukraine.

Mais contrairement à ce que les gouvernements, le patronat et la bourgeoisie européennes voudraient nous faire croire, il y a déjà beaucoup d’autres guerres dans le monde ! Elles sont alimentées par les ventes d’armes de ceux qui font semblant de regretter cette guerre en Ukraine. Être contre la guerre, c’est rejeter le militarisme, la course aux armements, les ventes d’armes…..

Nous condamnons et dénonçons l’agression de la Russie contre l’Ukraine et exprimons notre entière solidarité avec le peuple attaqué. Pour l’autodétermination des peuples d’Ukraine et pour une Ukraine libérée des griffes de la Russie, de l’OTAN et des impérialistes américains et européens !

  • Troupes russes hors d’état Ukraine !

  • Dissolution de l’OTAN. Débarrassons-nous des troupes et des bases américaines dans les pays d’Europe occidentale et orientale !

  • Nous appelons les organisations du réseau syndical international de solidarité et de luttes à se joindre aux mobilisations anti-guerre dans les prochains jours.

  • Soutien à ceux et celles qui, en Russie, rejettent la politique de Poutine parce qu’ils et elles se battent pour la paix, la solidarité entre les peuples, contre le nationalisme et l’extrême droite. Soutien aux personnes résidant en Ukraine, qui rejettent toute politique xénophobe, d’exclusion ou fasciste.

  • Solidarité avec les syndicalistes indépendants d’Ukraine, de Russie, de Biélorussie, de Pologne, … dont nous relayons les revendications et les expressions sur le site du Réseau.

http://www.laboursolidarity.org/Stop-a-l-agression-russe-en

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« Non à la guerre ». Le sens de certains slogans face à l’invasion de l’Ukraine par le régime de Poutine ?

Je n’ai aucune objection au slogan « non à la guerre », à condition qu’il soit absolument clair de quoi nous parlons. En 2003, à la veille de l’invasion par les Etats-Unis de l’Irak, son pouvoir mobilisateur résidait dans le fait que l’Espagne faisait partie de la coalition d’agresseurs dans un contexte géopolitique où une puissance omnipotente, les Etats-Unis, déclenchait toutes les guerres. Ce « non à la guerre » ne laissait planer aucun doute : il dénonçait l’horreur qui s’apprêtait à s’abattre depuis la Maison Blanche sur le peuple irakien sans défense. En 2022, la réalité est très différente. La guerre s’est décentralisée; il existe d’autres puissances et puissances inférieures qui laissent leur propre marque d’origine dans différents enfers locaux : l’Arabie saoudite au Yémen, la Russie et l’Iran en Syrie, la Turquie au Kurdistan, etc. La plupart d’entre nous, humains, sommes contre la guerre tous les jours de l’année, mais si nous ne manifestons qu’aujourd’hui, il est important de savoir pourquoi nous le faisons, ce qui a éveillé en nous ce besoin de mobilisation, qui nous accusons – en bref – au moyen de notre protestation.

Je suis donc d’accord avec le slogan « non à la guerre », à condition, par exemple, que toutes les manifestations se déroulent devant les ambassades et consulats russes. Et je ne pense pas que ce soit mal, à condition, d’ailleurs, que cette incantation absurde et vide de sens – « Non à l’OTAN » – ne soit pas ajoutée ici aux pancartes. Ce qui serait le reflet gauchiste routinier d’un monde qui n’existe pas et qui, à juste titre, laissera hors des manifestations des milliers de personnes qui n’y reconnaîtront que l’empreinte d’une vieille gauche fermée et complaisante, plus anti-américaine qu’anti-impérialiste, plus préoccupée par elle-même que par la souffrance des Ukrainiens (ou par le courage des Russes qui – ceux-ci ont des raisons – manifestent à Moscou « contre la guerre » déclenchée par leur gouvernement).

Attention: ce n’est pas que l’OTAN n’existe pas ou qu’elle n’a aucune responsabilité dans ce qui se passe. Rafael Poch, par exemple, nous l’a très bien dit dans ces pages. L’OTAN est nuisible à l’Europe et au monde. Chaque jour de l’année est un bon jour pour manifester contre elle ; chaque jour, oui, sauf celui-ci [le 25 février]. L’Ukraine n’appartient pas à l’OTAN; aucun soldat de l’OTAN ne combat en Ukraine ; et il n’y a certainement pas d’avions de l’OTAN qui bombardent Moscou ; l’OTAN n’a pas non plus l’intention d’arrêter militairement l’agression russe. L’OTAN peut – et doit – figurer dans un article analytique ou un essai historique sur la chronologie du conflit, mais pas dans une manifestation de protestation contre une guerre dont tout indique le seul responsable : Poutine. En 2003, nous savions tous que Saddam Hussein était un dictateur, qu’il avait tué des chiites et utilisé des armes chimiques contre les Kurdes ; et personne ne pouvait penser que les centaines de milliers d’Espagnols qui manifestaient contre l’invasion imminente de l’Irak étaient ses complices. Pourquoi parler de l’OTAN aujourd’hui ? Personne ne peut non plus penser que les manifestant·e·s anti-Poutine sont donc des partisans de l’OTAN. Personne ? Ce n’est que paradoxalement qu’un secteur de la gauche qui cherche à atténuer la responsabilité du gouvernement russe ou qui a peur que ses propres camarades l’accusent d’être complaisante envers le « seul vrai » impérialisme, qui est, a été et sera toujours celui des Etats-Unis.

Le slogan « non à la guerre, non à l’OTAN » est totalement inapproprié pour la période et l’événement. Aujourd’hui, ce slogan ne peut être interprété que de deux façons : soit comme une remémoration de la Guerre froide, soit comme une simple juxtaposition de maux. Si Poutine n’est pas mentionné et que l’OTAN l’est, cela implique que cette guerre est une fois de plus la responsabilité des Etats-Unis et de leurs partenaires atlantistes. « Guerre » ici, avec ce sous-titre « OTAN », n’évoque plus le cas spécifique de l’Ukraine. Ou sommes-nous simplement en train de juxtaposer deux des maux de ce monde: la guerre dans l’abstrait et une organisation inutile et criminelle ? Mais nous pourrions alors nous demander pourquoi nous n’ajoutons pas sur la pancarte d’autres fléaux et menaces plus ou moins liés : non à la guerre, non à l’OTAN, non à la drogue, non au fascisme, non aux pandémies, non aux pharmas ! Une manifestation dans laquelle la guerre en Ukraine est identifiée à l’OTAN devient une manifestation de soutien à Poutine ; une pan-démonstration contre tous les maux du monde est une absurdité totale.

Les pacifistes, qui considèrent que toutes les guerres sont mauvaises (voir sur le site ctxt le bel article de Vanesa Jiménez), et les anti-impérialistes, qui considèrent que toutes les invasions sont criminelles, n’ont pas pu empêcher l’invasion de l’Ukraine, tout comme nous n’avons pas pu empêcher l’invasion de l’Irak. Maintenant, une fois l’agression consommée, par décence et par militantisme, pour la paix future, contre les impérialismes de toutes sortes, nous ne devons pas hésiter à dénoncer Poutine comme l’impérialiste auteur d’un crime contre l’humanité (car rappelons que pour l’ONU le plus grand crime imaginable est précisément la mise en œuvre d’une guerre, mère de tous les crimes), comme nous l’avons fait en 2003 avec les Etats-Unis en Irak.

Ne sacrifions pas mentalement, comme des pions sur un échiquier, les civils ukrainiens qui périssent sous les bombes de Poutine. Soyons solidaires des Russes qui protestent contre les bombardements. Affirmons haut et fort que nous voulons un monde dans lequel les conflits sont résolus par la diplomatie et que nous manifesterons donc contre quiconque (quiconque !) viole le droit international et envahit des pays souverains, causant ainsi la mort, les déplacements de population et la destruction. Nous l’avons déjà fait – et nous devrons le faire à nouveau, je le crains – contre les Etats-Unis et l’OTAN. Le problème d’un slogan n’est pas qu’il doit être bref et une graphie nette. Il doit l’être. Ce qu’il ne peut pas être, c’est ambigu. Nous pouvons choisir de ne pas organiser de manifestations et nous consacrer à l’écriture et à la lecture de bonnes analyses. Mais si nous manifestons aujourd’hui, ne le faisons pas avec les slogans d’hier ou avec des slogans sectaires pusillanimes. Etre contre la guerre aujourd’hui, c’est dénoncer sans équivoque l’invasion russe en Ukraine. Demain, nous verrons.

Santiago Alba Rico

Santiago Alba Rico est un écrivain et philosophe. Depuis environ deux décennies il réside en Tunisie. Il y a rédigé une œuvre importante.

Article publié sur le site espagnol ctxt Contexto y Accion, le 25 février 2022; traduction rédaction A l’Encontre

http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/ukraine-non-a-la-guerre-le-sens-de-certains-slogans-face-a-linvasion-de-lukraine-par-le-regime-de-poutine.html

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Comme c’est triste de regarder la guerre

Alors que les réseaux débattent pour savoir si la violence est juste, si le cri de non à la guerre est devenu un slogan vide et pauvre, je pense à cette fille mutilée en Irak et que la paix doit être une fin en soi.

Regarder la guerre est la chose la plus triste du monde. « No ni ná ». Parce que quand on regarde, on voit ce qui est là, mais aussi, et surtout, on voit un monde que nous ne voulons pas assumer, un monde habité par des millions de personnes sur la planète. Soudain, une seule image contient une douleur absolue et infinie. Regarder une photo de Kiev aujourd’hui, c’est voir la Syrie, la Libye, le Yémen, l’Éthiopie, le Mozambique, la Palestine, l’Afghanistan… On voit la guerre, et les guerres. Vous voyez la violence, toujours extrême. Vous voyez que les fins sont là, pas toujours à la fin. Vous voyez la mort, même si elle n’est pas sur la photo.

Poutine a envahi l’Ukraine et les premières images commencent à arriver. Elles sont toujours d’avant. Ou du maintenant qui n’est pas encore ce qu’il sera. Nous contemplons la normalité interrompue. Vie quotidienne brisée. Emilio Morenatti, lauréat du prix Pulitzer pour ses photographies de la pandémie, frère de mon ami Miguel Ángel, un autre talent avec l’appareil photo, est dans la capitale ukrainienne en tant que photojournaliste pour Associated Press. Au moment où j’écris ces lignes, je regarde les photos qu’il a publiées sur son compte Twitter. La vue aérienne d’une grande avenue avec les quatre voies de sortie remplies de voitures ; l’embouteillage de ceux qui fuient la ville. Une zone bouclée par la police après « une attaque russe apparente ». Une femme assise sur le sol à côté de sa petite fille allongée, toutes deux attendant, entourées de valises, le train qui doit les emmener hors de Kiev. Une autre femme, attendant peut-être aussi le même train, désolée dans la foule. Une autre femme, par la fenêtre du bus qu’elle fuit, tient un bébé qui lui touche le visage. Un couple s’embrasse avant qu’elle ne monte dans un bus et qu’ils soient séparés. Une file d’hommes et de femmes attendant leur tour avec des cruches vides pour acheter de l’eau dans un magasin.

Les mêmes photographies, exactement les mêmes, sorties du contexte de la guerre, ne provoqueraient pas autant de trouble, ni autant de chagrin, ni autant de colère. Mais nous savons que nous regardons la guerre, et quand vous regardez la guerre, vous voyez aussi les affaires et les coupables. En 2021, deuxième année de la pandémie de covid, les ventes des 100 plus grandes entreprises d’armement du monde ont augmenté de 1,3%. Les États-Unis restent en tête : leurs entreprises ont réalisé 54% des ventes totales. L’industrie de la guerre ne connaît aucune crise, il y a toujours un tyran comme Poutine prêt à alimenter le capital des siens et des autres. Dans la catégorie des outsiders des guerres, rappelons Halliburton, la société de pétrole et de services dirigée par le vice-président américain Dick Cheney. Au cours de ces années, elle a fait des affaires avec l’Irak, l’Iran et la Libye.

Les guerres sont là, mais nous ne les voyons pas toujours. Habituellement, les médias montrent celles qui sont les plus proches de nous, ou celles dans lesquelles nous sommes. Nous voyons l’Ukraine et nous avons vu l’Irak. Nous ne verrons pas l’Éthiopie ou le Yémen. C’est pourquoi nous devons parfois donner une dimension aux tragédies. Certaines données ont été recueillies par Amnesty International : toutes les trois secondes, une personne est déplacée de force dans le monde, ce qui se traduit par 20 nouvelles personnes déplacées chaque minute ; au Sud-Soudan, 2,86 millions de personnes sont déplacées en raison de persécutions, de conflits, de violences ou de violations des droits de l’homme ; 6,1 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de la Syrie en raison de la violence ; au Yémen, 24,3 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, dont plus de 12 millions d’enfants ; près de 80 millions de personnes dans le monde sont déplacées de chez elles en raison de persécutions, de conflits, de violences ou de violations des droits de l’homme.

De l’invasion américaine de l’Irak, qui aura 19 ans dans moins d’un mois, et dans laquelle le président Aznar, avec Bush et Blair, a joué un rôle de premier plan dans le désastreux trio des Açores – il est le seul des trois à ne pas s’être excusé pour les mensonges qui ont conduit à cette guerre -, je me souviens d’une photographie. Il s’agissait d’une petite fille, âgée de huit ou neuf ans, dont la jambe avait été mutilée par l’explosion d’une bombe qui venait de se produire sur un marché. Elle était dans les bras d’un homme plus âgé. Cette petite fille est entrée dans les statistiques des dommages collatéraux – que celui qui a inventé cette expression soit damné – de cette guerre. Et elle a aussi pris une place éternelle dans ma mémoire. Pour moi, elle est la guerre.

C’est pourquoi aujourd’hui, lorsque je vois sur les réseaux des débats sur la question de savoir s’il y a des guerres justes, s’il y a une éthique dans la violence, si le cri de non à la guerre est devenu un slogan vide, typique d’une gauche précaire et résignée, je pense à cette petite fille qui a failli mourir et que la paix doit être une fin en soi, un objectif majeur. Et je pense aussi aux personnes qui ont mis leur corps en Russie pour protester contre l’invasion. Et de tant d’autres qui, en ce moment, partout en Ukraine, ont peur. Et ceux qui vont mourir parce que nous avons créé un système qui a besoin de nourrir ses monstres.

Il n’y a pas de guerres justes. Ceux qui les encouragent ne se salissent jamais les mains. Au diable les guerres et les crapules qui les font. « No ni ná ».

En guise de coda, je vous laisse avec le discours prononcé par Dominique de Villepin, alors ministre français des Affaires étrangères, devant l’ONU le 14 février 2003, que nous avons publié dans CTXT en novembre 2015. Il était intitulé « La guerre est toujours la confirmation d’un échec ». Et on y lit : « Dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. Notre grande responsabilité et notre immense honneur doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix ». En Espagne, nous ne le savons peut-être pas, mais il existe d’autres droites démocratiques.

Six jours après ce discours, les États-Unis ont envahi l’Irak. Des années plus tard, diverses institutions ont étudié les décès causés par le conflit. La conclusion, qui est répétée, est tragique : entre 2003 et 2011, l’invasion et le conflit qui s’en est suivi ont causé plus de 460 000 morts. Soixante pour cent d’entre elles étaient la cause directe de la violence, les autres étant dues à l’effondrement des infrastructures.

Vanesa Jiménez 25/02/2022

https://ctxt.es/es/20220201/Firmas/38851/guerra-irak-ucrania-redes-sociales.htm

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En complément possible

Gilbert Achcar : Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu

Non à la guerre – Russie, bas les pattes devant l’Ukraine !

Renaud Duterme : Les leçons géopolitiques de la crise ukrainienne

Russie-Ukraine : « Une situation pire que durant la guerre froide ». Entretien avec Ilya Boudraitskis

Ilya Matveev, Ilya Budraitskis : Les Russes ordinaires ne veulent pas de cette guerre

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/02/04/les-dirigeants-des-grandes-puissances-jouent-avec-le-feu/

Déclaration commune de syndicats ukrainiens

Mykhailo Volynets : La Russie a attaqué et commencé l’invasion de l’Ukraine

Vicken Cheterian : Le long hiver qui s’annonce : la Russie envahit l’Ukraine

Plate-forme TSS : Non à la Guerre. Pour une Politique Transnationale de la Paix

Communiqué LDH : Solidarité avec le peuple ukrainien

Pjort Sauer et Andrew Roth : L’opposition s’exprime en Russie contre l’invasion de l’Ukraine. La répression poutinienne la combat

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/02/25/invasion-de-lukraine-quelques-textes/

 

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « Textes sur l’Ukraine (3) »

  1. Il est bon en effet, comme c’est le cas dans le premier texte, de souligner le rôle ambigu de la Suisse dans sa politique envers les oligarques russes, à laquelle on demande de frapper ces mêmes oligarques de sévères sanctions économiques. A tant que faire, il est aussi urgent de frapper des mêmes sanctions les oligarques ukrainiens qui ont été le malheur de ce pays surtout si on considère que l’un de ses présidents, Leonid Kouchma est la caricature du dirigeant corrompu et l’autre Petro Poroshenko, la caricature de l’oligarque dont la défaite électorale de la première élection vraiment démocratique du pays a permis au président actuel de devenir le premier président honnête et luttant contre la corruption.

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