Stop silence Haïti ! (2)

La politique internationale vis-à-vis d’Haïti doit changer !

En octobre 2020, était lancée la campagne internationale Stop silence Haïti ! Huit mois plus tard, où en est-on ? Toutes les exactions, violences et injustices dénoncées dans cet appel se sont aggravées. La pauvreté s’est accrue, la faim affecte plus de 4 millions de personnes, les enlèvements – doublés de viols –, se sont multipliés, et les bandes armées ont encore étendu leur pouvoir. L’insécurité généralisée touche toutes les couches de la population, compromettant un peu plus l’accès aux services sociaux de base, dont l’éducation et la santé.

Il n’y a eu aucune avancée judiciaire dans les massacres – douze massacres ont été enregistrés depuis 2018 – et les affaires de corruption, au premier rang desquelles, Petrocaribe, alors que de nouvelles enquêtes, nationales et internationales, confirment l’implication et la complicité du pouvoir. L’assassinat du bâtonnier du barreau de Port-au-Prince, Maître Monferrier Dorval, comme tant d’autres, demeure impuni. La violence et l’impunité se nourrissent mutuellement, plongeant Haïti dans un cercle vicieux.

La détérioration des droits et des conditions de vie de la population est catalysée par la crise politique. Le 7 février 2021, s’achevait le mandat présidentiel de Jovenel Moïse. Mais, ce dernier a refusé de quitter le pouvoir. Il entend rester à la tête de l’État, le temps d’organiser à tout prix un référendum – interdit par la Constitution – fin juin et des élections en septembre.

En agissant de la sorte, et en inventant une tentative de coup d’État, pour justifier la mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation – ce qui constitue un (autre) acte inconstitutionnel –, Jovenel Moïse opte clairement pour une stratégie du pourrissement, et consacre l’autoritarisme de son régime. Il continue pourtant de bénéficier du soutien du Core Group [1], en général, et des États-Unis, en particulier.

Ces derniers mois et à de multiples reprises, les mouvements paysans, et de femmes, les syndicats, les jeunes Petrochallengers, les églises, les ONG de droits humains, les organisations sociales, les milieux de la justice et de l’éducation, les intellectuel·les, ont manifesté en masse pour exiger le respect de la Constitution, le départ de Jovenel Moïse et une transition de rupture.

Ils et elles ont pu compter sur une mobilisation internationale, qui s’est exprimée par divers courants. Ainsi, depuis le 7 février 2021, la Confédération syndicale internationale (CSI), la Coordination Europe-Haïti (Co-EH), l’Assemblée internationale des peuples, pour ne prendre que ces exemples, se sont positionnées en soutenant les revendications des mouvements haïtiens.

Au niveau diplomatique aussi, les lignes commencent à bouger. Soixante-huit députés démocrates du Congrès des États-Unis ont appelé à un changement de politique de Washington vis-à-vis d’Haïti. Le Parlement européen vient de voter une résolution

d’urgence [2]. S’il refuse de soutenir le référendum et rappelle que « les violences en Haïti sont étroitement liées à des bandes armées, dont certaines sont soutenues et financées par l’oligarchie locale », il n’en continue pas moins d’entretenir le mythe que des élections libres et crédibles puissent être organisées par les autorités haïtiennes.

Jovenel Moïse continue de la sorte sa fuite en avant, et la « communauté » internationale se laisse, au nom du « dialogue national inclusif » et d’une sortie de crise par les élections, prendre au piège – voire instrumentalise ce piège – d’un soutien au président de facto. Un large consensus national s’est pourtant forgé depuis des mois, contre Jovenel Moïse. Appeler, encore et toujours, ce dernier à lutter contre la violence, l’impunité et la polarisation du pays, alors qu’il en est l’un des principaux responsables, tient de l’aveuglement ou de l’hypocrisie.

Les conditions ne sont réunies ni pour des élections libres et démocratiques, ni pour un référendum portant sur la Constitution. Jovenel Moïse n’a aucune légitimité pour les organiser. Dans la situation actuelle, avec le contrôle de quartiers entiers par les bandes armées, et l’instrumentalisation par le pouvoir des institutions et mécanismes électoraux, ces élections n’auront aucune crédibilité. Elles n’ont, de toute façon, d’autre but que de consacrer la reproduction de la clique au pouvoir et de consacrer l’impunité, enfermant le pays dans un nouveau cycle de violence et d’instabilité.

Jovenel Moïse participe au problème, non à la solution. Chaque jour qui passe avec lui au pouvoir est une occasion manquée pour un changement démocratique, rendant plus compliquée et plus ardue la transition. La communauté internationale ne manque pas d’informations sur ce qu’il se passe en Haïti ; elle manque de courage. Le courage d’entériner l’échec de la diplomatie suivie ces dernières années, sinon ces décennies, de se confronter aux États-Unis, de faire prévaloir les droits humains et d’écouter les revendications des Haïtiens et Haïtiennes.

En conséquence, nous exigeons des gouvernements, institutions internationales et singulièrement du Core Group :

  1. De respecter la souveraineté des Haïtiens et Haïtiennes, et de dénoncer toute ingérence.

  2. D’écouter les acteurs et actrices de la société civile haïtienne, qui se sont prononcés publiquement et à maintes reprises contre la tenue d’un référendum et d’élections, qui, dans les conditions actuelles, ne seront ni libres ni démocratiques, et ne peuvent s’apparenter qu’à une farce tragique, risquant de conduire à la restauration de la dictature.

  3. De dénoncer l’illégitimité du référendum et du processus électoral, ainsi que l’absence de conditions pour que des élections libres et démocratiques puissent être réalisées avec Jovenel Moïse au pouvoir.

  4. De soutenir un processus de transition exigé et mis en œuvre par les Haïtiens et Haïtiennes, en s’appuyant sur la Constitution de 1987.

  5. D’appuyer le travail des organisations haïtiennes pour que les responsables des violations des droits humains – au premier rang desquels les massacres et la dilapidation des fonds Petrocaribe – soient jugés de façon juste et équitable.

  6. De revoir plus largement, avec humilité et honnêteté, leurs politiques poursuivies ces dernières années, et même décennies, qui ont contribué à l’impasse actuelle.

    Organisations signataires :

    Confédération Syndicale Internationale (CSI), International Coordination Europe-Haïti (COEH), Europe

    Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), International

    Acción Afro-Dominicana, République dominicaine Accion Ecologica, Équateur

    ActionAid, France

    Agenda Solidaridad, République dominicaine AITEC, France

    Anacaona Droits Humains Haïti, France

    Asbl Theux/Saint-Michel, Belgique

    Asbl Farnières-Haïti, Belgique

    Asociación Acción Verapaz, Espagne

    Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique (AFASPA), France Association PeopleKonsian, France

    Association Pour Haïti, France

    Ayiti Cheri vzw, Belgique

    Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD), Mali

    ATTAC – CADTM, Argentine

    ATTAC – CADTM, Maroc

    ATTAC Liège, Belgique

    ATTAC Wallonie Bruxelles (AWB), Belgique

    AWMR-Italia Associazione Donne della Regione Mediterranea, Italie

    CADTM – AYNA, Amérique latine

    CADTM – Belgique, Belgique

    Carrefour de solidarité internationale, Canada

    Cátedra Libre de Pensamiento Latinoamericano « Ernesto Che Guevara », Mexique Coopération Éducation Culture (CEC), Belgique

    Centre francophone de recherche partenariale sur l’assainissement, les déchets et l’environnement (CEFREPADE), France

    Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), France

    Centre de recherches et d’initiatives de solidarité internationale (CEDETIM), France Centro de militares para la democracia argentina (CEMIDA), Argentine

    Centre d’Education et d’Interventions Sociales (CEIS), Haïti

    Centre International de Solidarité Ouvrière (CISO), Canada

    Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), Belgique

    Centro de Documentación en Derechos Humanos « Segundo Montes Mozo S.J. » (CSMM), Équateur

    Centro de Pensamiento Crítico Pedro Paz, Argentine

    Centro de Promocion y Formacion en Derechos Humanos, Venezuela

    Centre d’Éducation Populaire André Genot (CEPAG), Belgique Centre tricontinental-CETRI, Belgique

    Centro de Pensamiento Crítico Pedro Paz, Argentine

    Circulos bolivarianos socialistas Costa Rica, Costa Rica Clowns Sans Frontières, Canada

    Coalition des Acteurs de la Société Civile (CASC), Haïti

    Coalition Haïtienne au Canada contre la Dictature en Haïti (COHCCDH), Canada

    Codepink, États-Unis

    Collectif 35 des amis d’Haïti, France

    Collectif Haïti de France (CHF), France

    Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud (CIBELE), Ile de France, France

    Collectif Régional pour la Coopération Nord-Sud (CORENS), France

    Comité argentino de solidaridad por el fin de la ocupación de Haití, Argentine

    Colectivo Tejido de transicionantes por el Valle del Cauca, Arturo Escobar, Colombie Colonialism Reparation, Italie

    Comitê anti-imperialista general Abreu e Lima, Brésil

    Comité de Derechos Humanos de Base de Chiapas Digna Ochoa, Mexique

    Comité Democrático Haitiano en Argentina, Argentine

    Comité Dominicano de Derechos Humanos, République Dominicaine

    Commission altermondialisation et solidarité internationale de Québec solidaire, Canada Commission Haïtienne pour le Respect des Droits Humains (CHREDHU), Haïti Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), Haïti

    Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement – Terre Solidaire (CCFD-Terre Solidaire), France

    Comuna Caribe, Puerto Rico

    Comunidad Cristiana Vanguardia Obrera, Espagne

    Comuniste de Catalunya, Espagne

    Confederación Intersindical Galega (CIG), de Galiza, Espagne

    Confédération des Syndicats Chrétiens (ACV-CSC), Belgique

    Confédération des Travailleurs et Travailleuses des Secteurs Public et Privé (CTSP), Haïti Confédération des Travailleurs Haïtiens (CTH), Haïti

    Congreso de los Pueblos – Capítulo Chile, Chili

    Conseil National des Comités Populaires (CNCP), Martinique

    Diaspora Africaine de Belgique (DAB), Belgique

    Diaspora Togolaise de Belgique (DTB), Belgique

    Diálogo 2000-Jubileo Sur, Argentine

    ECOSUR, Ecología, Cultura y Educación desde los Pueblos del Sur, Argentine

    Encuentro Belgian Latin America Network, Belgique

    Enfant Haïtien France Action (EHFA), France

    Entraide et Fraternité, Belgique

    Europe Écologie Les Verts, France

    Europe solidaire sans frontières (ESSF), France

    Fédération Nationale des Travailleurs en Education et en Culture (FENATEC), Haïti Fédération Nationale des Syndicats en Éducation (FENASE), Haïti

    Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) fédérale, Belgique

    Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) wallonne, Belgique

    Fédération des organisations paysannes pour l’intensification agricole et la promotion de l’agriculture familiale (FOP-SIPAF) du sud Kivu, République démocratique du Congo Fédération syndicale unitaire (FSU), France

    Federación Uruguaya de Cooperativas de Vivienda por Ayuda Mutua (FUCVAM), Uruguay

    FIAN Belgium – Pour le droit à l’alimentation, Belgique Fondation Frantz Fanon, France Forum Nord Sud asbl, Belgique

    Frères des Hommes, Belgique

    France Amérique latine (FAL), France

    Frente Nacional de Luta Campo e Cidade (FNL), Brésil

    Fuerza de la Revolucionmanuelj (FR), République dominicaine

    Fundación Embajada de Derechos Humanos, Venezuela

    Fundación para la Promoción de los Derechos Humanos y Justicia de Paz, Équateur Fundación Vivian Trías. Uruguay

    Geomoun, Belgique

    Grandir en Haïti, France

    Groupe d’économie solidaire du Québec, Canada

    Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), Haïti

    Grupo « Solidair met Guatemala », Belgique

    Grupo de apoyo a la solidaridad de Haití (Grash), Espagne

    Grupo de Trabajo CLACSO « Crisis, respuestas y alternativas en el Gran Caribe », Amérique latine

    Haiti Support Group, Grande-Bretagne

    Hoopvoorhaiti, Belgique

    IFSI-ISVI, Coopération syndicale internationale, Belgique

    Informationsstelle Lateinamerika (ILA), Allemagne

    Initiative Artisans, Haïti

    Initiative Patriote Marien (IPAM), Haïti

    Iraqi Social Forum, Iraq

    Institut de Technologie et d’Animation (ITECA), Haïti

    Ligue des droits de l’Homme (LDH)-France, France

    Lyon Haïti Partenariats, France

    Marcha Mundial de las Mujeres Macronorte, Pérou

    Medico international, Allemagne

    MISEREOR, Allemagne

    Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC), Belgique

    Movimiento Rebelde, République dominicaine

    Movimiento de Integración y Emancipación de Derechos Humanos del Sur, Venezuela Nègès Mawon, Haïti

    Nou Pap Domi, Haïti

    Observatorio de la Riqueza Padre Arrupe, Argentine

    Ongd AFRICANDO, Espagne

    Organizaciones libres del pueblo-resistir y luchar, Argentine

    Osjosma vzw, Belgique

    Other News, Italie

    Parti de la Gauche Européenne, Europe

    Partido por la Victoria del Pueblo, Uruguay

    Partido Comunista Revolucionario del Uruguay, Uruguay

    Partido de la Refundación Comunista – Izquierda Europea, Italie

    Pazapas ASBL, Belgique

    Pèp Lib vzw, Belgique

    Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA), Haïti Plateforme altermondialiste, Canada

    Plateforme Haïti.be, Belgique

    Plate-Forme Haïti de Suisse (PFHS), Suisse

    Plateforme Nationale des Syndicats des Institutions Publiques (PLANSIP), Haïti Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS), France

    Rasanble pou’n Chanje Lavi’n (RaCh-Lavi’n), Haïti

    Red de Solidaridad con Chiapas de Buenos Aires, Argentine

    Regroupement des Haïtiens vivant à Montréal contre l’occupation d’Haïti (REHMONCO), Canada

    Relais France-Europe de la Fondation Max CADET d’Haïti, France

    Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Haïti

    Réseau Sud-Est de Défense des Droits Humains (RESEDH), Haïti School of the Americas Watch (SOAW), Amérique latine

    Secours Catholique – Caritas France, France

    Service Œcuménique d’Entraide, France

    Servicio Paz y Justicia – SERPAJ, Argentine

    Socialist Revolutionary Workers Party (SRWP), Afrique du Sud

    Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA), Haïti

    Solidaridad Dominicana con Haití, République dominicaine

    South African Federation of Trade Unions (SAFTU), Afrique du Sud

    Suteba de La Matanza, Argentine

    Tet Kole Ti Peyizan Ayisyen, Haïti

    Ti Gout Dlo en Haïti, Belgique

    Tysea – Hoop voor Haïti, Belgique

    Union de Vecinos, États-Unis

    Union juive française pour la paix (UJFP), France

    Union Nationale des Normaliens/nes et Educateurs/trices d’Haiti (UNNOEH), Haïti Vlaams Haïti Overleg, Belgique

    Vision pour une nouvelle société haïtienne (VINOUSH), France

    Women’s All Points Bulletin, WAPB, États-Unis

    WSM – We social movements, Belgique

[1] États-Unis, Canada, Allemagne, Espagne, Brésil, France, Union Européenne (UE), Organisation des États Américains (OEA) et Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies.

[2] Résolution du Parlement européen du 20 mai 2021 sur la situation en Haïti (2021/2694(RSP)).


Stop silence Haïti ! (2)

La politique internationale vis-à-vis d’Haïti doit changer !

Haïti_Stop-silence_2-diffusion


Stop silence Haiti! (2)

The international policy towards Haiti must change!

Haïti_Stop-silence2_English-press


¡Stop silence Haití! (2)

¡La política internacional hacia Haití debe cambiar!

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Stop silence Haïti! (2)

De internationale politiek tegenover Haïti moet veranderen!

Stop silence Haïti-2 Nl

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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