Un rituel de violence, le froid, le corps effrayé, la mise à nue, « Elle gémit. L’écho de ses lamentations résonne dans le marais, à travers les branches de sorbier et de bouleau », des cordes, « l’heure du pas tout à fait »…
Des vacances particulières, une soi-disant expérience archéologique, à l’ombre du fantasme de la vie de cueilleurs-chasseurs (car dans la reconstruction de ce monde là, si la place des cueilleuses est prise en compte, les chasseuses sont niées. L’ordre sexué projeté est celui bien commun de l’inégalité deshistoricisée et naturalisée). Un retour archaïque à la nature telle qu’elle n’exista jamais…
Si les hommes, le père et le professeur, imposent leur loi et leurs visions des mœurs des êtres humains des tourbières, de leurs actions quotidiennes, de la subordination violente des femmes, la mère et les filles sont soumises, parfois violemment, aux taches et à l’ordre masculiniste.
Sarah Moss nous entraine dans ce conte comme enchanté, parsemé de petites remarques sur la misogynie des hommes ou sur la liberté. Elle dessine notamment le portrait d’une adolescente, Silvie, tiraillée entre obéissance et rêve d’émancipation, « de laisser l’enfance et la dépendance derrière moi, d’entrer dans le monde ». Un autre jeune femme Molly l’aidera à briser les murs construits pour limiter les possibles aux désirs paternels ou masculins…
La violence n’est ni ancestrale ni contrainte par les marais d’alentour. L’autrice construit un monde aux couleurs sombres déchirées par le rouge des blessures et de la soif de liberté d’une jeune femme…
Sarah Moss : Dans la lande immobile
Traduit de l’anglais par Laure Manceau
Actes Sud, Arles 2020, 144 pages, 17,80 euros
Didier Epsztajn