La masculinité toxique est au coeur de l’extrême-droite québécoise

La masculinité toxique consiste en une expression de l’identité de genre masculine particulièrement stéréotypée par les rapports de domination et les formes de violence qu’elle reproduit. Dans la société contemporaine, elle s’illustre bien à travers les machos « alphas » qui se targuent de résister aux transformations sociales d’un monde où les femmes et la diversité sexuelle sont de plus en plus représentées et défendues. Même dans sa bande, le macho cherche à développer sa domination sur ses pairs et les guerres d’égo entre machos se produisent. L’extrême-droite québécoise, dont plusieurs réseaux sont structurés sur un mode paramilitaire, nous offre actuellement le spectacle de ces guerres d’égo basées sur le modèle de la masculinité toxique.

À La Meute, le féminisme et l’ouverture aux autres identités de genre et orientations sexuelles sont de façade. Dans la structure de type paramilitaire, le pouvoir s’est depuis sa création maintenu par les rapports de domination des « alphas » sur une base peu informée (ou désinformée) et soumise à un rôle de soutien des décisions et actions prises par leurs chefs. Une compétition agressive avec ses putschs, ses expulsions, ses campagnes de calomnie et sa violence sexuelle ont façonné le leadership de l’organisation pyramidale à la tête duquel Sylvain Brouillette a progressivement établi son contrôle presque entier. Les crises se sont succédé au sein de l’organisation et constamment, les leaders qui en ressortent expriment leur narcissisme en se présentant comme les vainqueurs d’une lutte qui ne peut être gagnée que par les plus forts et dans laquelle les plus faibles doivent se soumettre. On a vu également comment les hommes évincés de la haute direction de La Meute ont cherché à rassembler autour d’eux des dissidents et dissidentes en quête d’un nouvel « alpha ». De L’Artiss à Éric Proulx (reconnu comme « Ti-Loup Fourre-tout », un prédateur sexuel longtemps toléré par l’organisation), les ex-leaders ne manquent pas d’exprimer leur narcissisme au quotidien en se présentant comme les résistants d’une « cause » volée. Cette cause demeure toujours bien vague et change selon les caprices de la haute chefferie. Dans ladite « cause », les blagues et images sexistes doivent être tolérées par les femmes si elles ne veulent pas apparaître comme des féministes menaçant la vision stéréotypée d’une « masculinité traditionnelle », qui compose la base de pouvoir de ses leaders. Ceux et celles qui résistent à l’extrême-droite sont pour leur part présenté-e-s comme des « snowflakes », des hommes gais, efféminés et faibles ou dépeints et dépeintes en fonction d’une identité de genre « trouble ». Manon Massé est par exemple caricaturée comme une « femme à barbe » et Justin Trudeau comme un homme efféminé ou « fif ». L’expression de la masculinité toxique prend le dessus sur celle des idées à travers ces représentations bêtes, mais pourtant ces images sont souvent partagées par des centaines de membres.

Un des ex-membres de La Meute accusait ces derniers jours Sylvain Brouillette d’être un pervers narcissique. Le terme, issu de la psychanalyse, désigne une personne manipulatrice à la personnalité narcissique qui cherche constamment à travers ses relations interpersonnelles à se survaloriser aux dépens des autres. Avec une telle définition, à travers l’histoire de La Meute, nous pourrions décrire plusieurs personnes au sein de sa haute direction comme de potentiels pervers narcissiques. Le terme a toutefois pour défaut de réduire à une structure de personnalité spécifique un rapport de domination bien ancré dans l’imaginaire et les idéaux de l’extrême-droite. Pour lutter efficacement contre celle-ci et développer une critique approfondie du phénomène social, le concept de « masculinité toxique » apparaît plus intéressant afin d’analyser les rapports de domination. 

Alan Gilbert

http://ucl-saguenay.blogspot.com/2019/06/la-masculinite-toxique-est-au-coeur-de.html

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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