Agriculture : il est urgent de changer de modèle !

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Les récentes manifestations d’agriculteurs montrent le malaise profond du monde agricole que les pouvoirs publics et la société toute entière doivent entendre. Celui-ci est principalement lié aux difficultés qu’ont les agricultrices et agriculteurs à vivre décemment de leur travail.

Cette situation est la conséquence directe du modèle de développement ultra-libéral mené par la France et l’Union Européenne, privilégiant l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution qui dégagent de grosses marges et accentuent l’inflation. Et ce sont les paysan·nes, captifs et captives de ce système concurrentiel, qui doivent produire toujours plus et toujours moins cher pour survivre, en remboursant les emprunts de financement (matériel, terres, produits chimiques…), dans un cercle infernal qui mène de trop nombreuses fois au suicide. Après celle des Gilets jaunes, cette crise met une nouvelle fois en exergue un partage des richesses de plus en plus injuste qui précarise et appauvrit. Continuer à lire … « Agriculture : il est urgent de changer de modèle ! »

Aujourd’hui et hier, le monde

Nouveau rapport du club de Rome
« Earth for All, la terre pour tous » affirme la nécessité de construire d’autres mondes que celui du dit néo-libéralisme. Un monde condamné. « L’avenir de l’humanité, concluent les autrices et auteurs, dépendra de la réduction drastique des inégalités socio-économiques et d’une répartition équitable des richesses et du pouvoir ». Ils proposent deux scénarios : « Trop peu, trop tard », une catastrophe annoncée, un chemin emprunté par les gouvernements en Europe ou « Les pas de géant », seule manière de sortir des crises actuelles. Un appel à l’action – et à la dépense publique – pour offrir une chance aux générations futures.
« Earth for All », Nouveau rapport du Club de Rome, Actes Sud Continuer à lire … « Aujourd’hui et hier, le monde »

Production, travail et crise écologique

La relation humanité-nature est la cause de la crise présente qui, en plus de détruire d’innombrables richesses naturelles, expose l’humanité à des menaces existentielles. La petite musique sur  «les-pauvres-qui-font-trop-d’enfants » sert très clairement à détourner l’attention du fait que ce sont les riches (du Nord et du Sud) qui créent la catastrophe climatique. Le travail prend des formes particulières selon les modes sociaux de production. Face à la crise climato-écologique, on ne peut mener la bataille qu’en rendant au travail son caractère d’activité sociale productrice de valeurs d’usage pour satisfaire des besoins humains réels (par opposition aux besoins humains aliénés par le capital productiviste/consumériste).

« Produire » signifie « faire apparaître », « faire naître ». La nature produit, la biosphère en particulier produit. On peut cependant, au sein de la nature, distinguer une production spécifiquement humaine. Elle se caractérise par cinq traits principaux : Continuer à lire … « Production, travail et crise écologique »

Science économique ? Vous avez dit « science » ? 

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« Portrait du pauvre en habit de vaurien » se voulait le premier opus d’un programme de recherche de Michel Husson portant sur les dispositifs de légitimation de la pauvreté (au 19e) puis du chômage aux siècles suivants « en soulignant les similitudes et les inflexions », comme il l’écrivait en 2021. Il s’agit donc de rendre compte de la manière dont l’économie politique traite les questions de « surnuméraire » – pauvre ou chômeur -, en explicitant les soubassements idéologiques pour comprendre les types de réponse proposés.

Le résumé est facile et bien connu : si les pauvres sont pauvres, les chômeurs chômeurs c’est de leur faute, de leur responsabilité individuelle. La politique de l’État doit donc les forcer à travailler en diminuant toutes les dépenses sociales, l’assistanat. Ainsi la politique économique de Macron ne vise pas seulement à diminuer les dépenses publiques mais répond à des considérants idéologiques plus profonds. Continuer à lire … « Science économique ? Vous avez dit « science » ? « 

A propos de « Cannibal Capitalism » de Nancy Fraser

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Dans son livre Cannibal Capitalism (Verso, mars 2022 [1]) Nancy Fraser propose de revenir sur la caractérisation du capitalisme : il ne faut pas le réduire à un système économique, mais le définir comme une société : « Parler du capitalisme comme un ordre social institutionnalisé (…) revient à souligner son imbrication non accidentelle mais structurale avec la domination de genre, la dégradation écologique, l’oppression raciale et impériale et la domination politique – en conjonction, bien entendu, avec sa dynamique de base, également structurale et non accidentelle, fondée sur l’exploitation du travail » (p.19 – 20). Cette thèse n’est pas vraiment nouvelle, elle prolonge celle défendue par certains courants féministes ; cf. le Manifeste pour les 99% dont Nancy Fraser (ci-dessous N.F.) est une des trois auteures, mais est en résonance forte avec la théorie du Capitalocène, développée par Jason Moore, Daniel Cunha et Andreas Malm [2]. À propos du livre Cannibal Capitalism Andreas Malm écrit : « Nancy Fraser a produit la théorie la plus élégante du capitalisme actuel – non pas un capitalisme au sens économique étroit, mais un capitalisme qui dévore tout, un système incapable de ne pas dévorer tout ce qui l’entoure, détruisant la vie des humains et de la nature ». Ce livre est aussi en résonance avec l’importance croissante prise par les mouvements sociaux hors économie : féminisme, contre le racisme, écologie, pour le droit au logement, etc. Dans un de ses derniers textes, Classes et mouvements sociaux, Daniel Bensaïd évoque la perspective d’une « reterritorialisation de la lutte des classes et la capacité du mouvement ouvrier à déployer son pouvoir de contestation non seulement au niveau de la production dans l’entreprise (rapport salarial), prenant en charge, dans le respect de leur autonomie, les luttes des femmes, les luttes urbaines, les luttes écologiques, comme autant de dimension nécessaire d’un projet cohérent de transformation sociale ». Le livre de N.F. marque clairement la nécessité de remettre en cause une vision centrée sur l’affrontement entre deux camps prédéfinis, le Capital et le Travail. Les luttes concernent tous les domaines de la vie, dépassant la distinction ente le quotidien et le social, entre le social et le politique, entre les moyens et les fins. Continuer à lire … « A propos de « Cannibal Capitalism » de Nancy Fraser »

Je suis un idiot utile

Le numéro de janvier 2023 d’Alternatives économiques consacre un dossier à « douze débats interdits », illustrant « comment la pensée unique s’est imposée en économie ». À l’appui de ce constat, le dossier présente deux universités entièrement opposées en termes de méthodes et de contenus : celle de la Toulouse School of Economics, axée sur la formalisation mathématique et l’approche microéconomique, et celle de Lille, ouverte à l’ensemble des sciences sociales. L’enjeu est de défendre le pluralisme théorique et méthodologique ou au contraire de le faire disparaître.

Et le danger de la disparition de tout pluralisme est bien souligné dans l’entretien « Nous allons vers l’extinction de toute pluralité en économie » de notre collègue Florence Jany-Catrice, interrogée par Christian Chavagneux, directeur d’Alter éco. Ce danger se mesure à l’extrême faiblesse des cours dispensés à l’Université sur l’histoire de la pensée économique et l’épistémologie de la discipline. Continuer à lire … « Je suis un idiot utile »

La monnaie. Du pouvoir de la finance à la souveraineté des peuples

Un livre de Rémy Herrera publié par le CETIM

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Remy Herrera nous propose un livre très bienvenu sur la monnaie, du pouvoir de la finance à la souveraineté des peuples [1]. Remy Herrera est un économiste très engagé. Il a été le directeur exécutif du Forum Mondial des Alternatives (FMA) qui avait été créé par Samir Amin en prolongement du Forum du Tiers-monde, quelques années avant le lancement du Forum Social mondial.

Ce livre a été publié par le CETIM, le Centre Europe – Tiers Monde de Genève. Il s’inscrit dans un remarquable travail d’édition et de renouvellement de la solidarité internationale. Le CETIM a aussi publié une collection de « pensées d’hier pour demain » consacrée à des recueils de textes des grandes figures de la décolonisation [2]. Continuer à lire … « La monnaie. Du pouvoir de la finance à la souveraineté des peuples« 

Vers une nouvelle crise de la zone euro ?

« C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus », cette maxime du milliardaire Warren Buffet concerne les boursicoteurs, elle pourrait aussi bien s’appliquer à la zone euro. La masse énorme de liquidités que la Banque centrale européenne (BCE) a déversé sur les marchés financiers a permis de masquer les déficiences congénitales de la zone euro. Ce sont elles qui ressortent aujourd’hui alors que la BCE est en train de modifier sa politique monétaire.

La convergence des économies au point mort
Le premier problème renvoie à la remontée de l’inflation, 8,6% au mois de juin en glissement annuel dans la zone euro. Mais ce chiffre, une moyenne, n’a strictement aucun sens au vu des différentiels entre les différents pays de l’Union : de 22% en Estonie à 6, % à Malte. Mener une politique pour combattre l’inflation sur la base d’un chiffre moyen, alors même que les écarts d’inflation entre les pays sont considérables est dépourvu de toute pertinence. Ces écarts s’expliquent au premier abord par des politiques différentes des gouvernements pour limiter l’impact de la hausses des prix sur les populations ainsi que par le poids différent des hydrocarbures dans le mix énergétique. Mais ils renvoient à un problème plus fondamental, celui de la convergence des économies de la zone et à son mode de fonctionnement, problème que la crise financière de 2008 avait déjà révélé au grand jour. Continuer à lire … « Vers une nouvelle crise de la zone euro ? »

Formes sociales des choses et rapports sociaux de production

une-essai-sur-la-theorie-de-l-argentDans sa préface, preface-de-guillaume-fondu-au-livre-de-isaak-i-roubine-essai-sur-la-theorie-marxienne-de-largent/, publiée avec l’aimable autorisation des éditions Syllepse, Guillaume Fondu revient, entre autres, sur le parcours de Isaak I. Roubine, son livre Essais sur la théorie de la valeur de Marx, « Dans cet ouvrage, il replace le fétichisme de la marchandise au centre de la théorie marxienne, contre toute lecture naturalisante de la valeur-travail, qui en ferait une donnée technique indépendante des formes sociales et, par conséquent, valable universellement », la spécificité du marxisme, le projet socialiste « une perspective de reprise en main consciente de l’organisation sociale, et donc par la mise au centre de l’économie de décisions collectives (selon des modalités, il est vrai, indéterminées) », la critique de l’économie politique, la dimension sociale spécifique du travail abstrait. Continuer à lire … « Formes sociales des choses et rapports sociaux de production »

Le monde bascule, les politiques économiques flottent

L’article qui suit pose des questions fondamentales pour la compréhension du monde en train de bascules. Il insiste sur l’importance des marchés financiers dans l’accélération des hausses des prix et sur les facteurs d’incertitude qu’ils recèlent. Les appels au retour de la souveraineté n’ont aucun sens si les marchés financiers ne sont pas régulés.
Il reste de savoir l’origine de cette hausse des prix qu’il ne faut donc pas confondre avec l’inflation permanente des « 30 glorieuses » qui perdure jusqu’au milieu des années 1980 qui voit la mise en place d’une nouvelle figure du capitalisme marquée par la crise de l’informatique en mars 2000.
La désorganisation des chaînes de valeur due d’abord à la pandémie et aux politiques suivies notamment par le gouvernement chinois en réponse et la guerre de Poutine est-elle à l’origine de la montée des prix amplifiée par les marchés financiers ? Désorganisation qui met à mal la « mondialisation heureuse » (pour citer Alain Minc). Le mouvement est irréversible semble-t-il.
Il est nécessaire de poursuivre ce débat au moment où les institutions financières sont ancrées dans les politiques et les idéologies du passé et où les politiques n’arrivent à prendre en compte cette nouvelle donne, ce monde en train de naître. Toutes les explosions et imposions sont devant nous. Il est nécessaire d’élaborer…

Les crises se succèdent, se mêlent, s’entremêlent. Crise économique et financière depuis 2007-2008 ouvrant un contexte de faible croissance et de déflation, crise écologique et mutations climatiques nécessitant des réponses urgentes – le rapport du GIEC donne 3 ans pour s’adapter -, crise sanitaire qui est aussi un bilan d’échec de l’idéologie de la privatisation contre les services publics, crise politique couronnant toutes les autres dans un rejet global d’une société qui approfondit les inégalités et permet aux riches d’être plus riche. Le tout dans un monde où l’économie est gouvernée par les marchés financiers. Continuer à lire … « Le monde bascule, les politiques économiques flottent »

L’inflation, symptôme d’un modèle néolibéral en bout de course

Avec la rupture introduite par le néolibéralisme dans les années 1980 et la mondialisation qui l’a accompagnée s’est mis en place un modèle économique bien particulier. Basé sur la création de valeur pour l’actionnaire, il vise à réduire les coûts par tous les moyens possibles avec une priorité absolue donnée à l’augmentation des profits. Cela a conduit à une « modération salariale » généralisée dans les pays développés, à la délocalisation de nombre d’activités productives dans des pays à bas salaires, au chômage donc et à l’éclatement des process de production en de multiples segments de « chaînes de valeur ». Ceci s’est combiné avec une politique de zéro stock et une organisation en flux tendus, supposée permettre de répondre en temps réel aux besoins des consommateurs, alors qu’il ne s’agit que de limiter le capital immobilisé. Continuer à lire … « L’inflation, symptôme d’un modèle néolibéral en bout de course »

Pandémie, guerre et marchés financiers

Depuis plus de 30 ans, les marchés financiers ont étendu leur domination au détriment des États et du bien être des populations. Les décisions prises dans les années 1980 par les gouvernements de déréglementation, notamment dans le domaine financier, montrent toute leur nocivité.

Pendant que les Bourses des pays développés oscillent au gré des annonces de la guerre de Poutine en Ukraine, descente le 24 février, puis remontées en réponse aux possibles pourparlers de paix fin mars, les prix du pétrole et plus généralement de l’énergie comme les matières premières sont orientés à la hausse déterminant une montée des prix jamais vue depuis 1985, de l’ordre de 4,5% en France. Pourquoi cette envolée ? Est-ce de l’inflation ? Continuer à lire … « Pandémie, guerre et marchés financiers »

Les chaînes d’approvisionnement « juste à temps », leurs fragilités, le type d’emplois créés et leurs liens avec la crise climatique

Un choc des prix sur les marchés mondiaux du gaz naturel fait tomber, au Royaume-Uni, plusieurs petits fournisseurs d’énergie, laissant les clients sans chauffage et confrontés à la hausse des prix. Un incendie met hors-service l’énorme câble qui achemine l’électricité de la France vers le Royaume-Uni, menaçant les foyers d’obscurité et augmentant les factures d’électricité. Le porte-conteneurs Ever Given [de 200 000 tonnes et 400 mètres de long : propriété de la firme japonaise Shoei Kisen Kaisha, naviguant sous pavillon de Panama, armateur Evergreen Marine Corporation], en provenance de Malaisie et à destination de Felixstowe [le port de conteneurs le plus important du Royaume-Uni], reste bloqué dans le canal de Suez pendant six jours [en fin mars 2021], ce qui entraîne une interruption du trafic maritime pour un coût estimé à 730 millions de livres sterling et retarde l’arrivée du gadget électronique que vous avez commandé sur Amazon Prime.

Ces incidents ont en commun la vitesse à laquelle un seul événement peut perturber les chaînes d’approvisionnement qui sillonnent le monde. Presque chaque fois que vous commandez un article en ligne, celui-ci est transporté par un réseau de firmes, de rails, de routes, de navires, d’entrepôts et de chauffeurs livreurs qui, ensemble, forment le système circulatoire (en flux tendu) de l’économie mondiale. Cette infrastructure étroitement calibrée est conçue pour un mouvement perpétuel. Dès qu’un maillon se brise ou se bloque, l’impact sur les actuelles chaînes d’approvisionnement en flux tendu se fait immédiatement sentir. Continuer à lire … « Les chaînes d’approvisionnement « juste à temps », leurs fragilités, le type d’emplois créés et leurs liens avec la crise climatique »

Derrière la reprise, le basculement du monde

La pandémie a révélé l’hypermondialisation qui s’est installée depuis les années 2000. Elle a structuré le monde. Les États se sont vus dépossédés de leur pouvoir appuyé sur la création de richesses sur le territoire national. Le processus de financiarisation/désindustrialisation s’est synthétisé dans la place nouvelle des multinationales. La richesse est devenue financière et dépendante des marchés financiers. Le constat a été fait avec Musk. En conséquence, la finance impose ses critères de maximisation du profit à court terme. Il est temps de changer d’orientation stratégique. Continuer à lire … « Derrière la reprise, le basculement du monde »

Michel Husson

Jean-Marie Harribey : Michel Husson :
derrière l’économiste, l’homme

Michel Husson nous a quittés. La nouvelle nous laisse sans voix. Faut-il rendre d’abord hommage à l’économiste hors pair qu’il était ou bien à l’homme pétri de gentillesse et d’humour ravageur, doté d’un sens pédagogue peu commun pour décortiquer les études les plus techniques ?

Michel Husson fait partie d’une génération d’économistes-statisticiens, formés à la rigueur scientifique tout en possédant une culture d’économie politique critique fondée à la meilleure source : Marx. Il compte parmi les quelques rares analystes ayant consacré leur travail à analyser l’évolution du capitalisme contemporain mondialisé et financiarisé en utilisant les concepts de suraccumulation du capital et de taux de profit dont l’évolution rythme les transformations du capitalisme. Des transformations dont les conséquences sur le travail, la répartition des revenus, la protection sociale ont été au centre de ses préoccupations pendant toute la période néolibérale. Michel Husson fut entre autres l’un les plus ardents défenseurs de la réduction du temps de travail et ses travaux récents montraient encore l’enjeu qu’elle représentait même au temps de la crise sanitaire. Et le moindre de ses mérites n’est pas de s’être dégagé d’une culture productiviste, trop longtemps véhiculé par les mouvements progressistes, pour prendre en compte la crise écologique et associer sa résolution à celle de la crise sociale. Continuer à lire … « Michel Husson »

Le vampirisme du capital. L’angle mort de l’analyse marxienne (II)

Le vampirisme du capital (I) :
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2021/05/20/le-vampirisme-du-capital-i/

Dans et par le capital, le mort (le travail mort) saisit le vif (le travail vivant) et ce doublement. Il s’empare de sa puissance productive pour se maintenir lui-même en vie, prospérer et s’accumuler. Et, simultanément, il le fait dépérir : il le prive de sa puissance productive qu’il objective dans son corps propre, il le déréalise en le transformant en ectoplasme (ou zombie) quand il ne l’épuise pas jusqu’à sa mort physique. Travail matérialisé et accumulé, travail mort en ce sens, le capital ne se rapporte au travail vivant que pour l’exploiter, le dominer et finalement l’aliéner, en le transfigurant ou plutôt défigurant par son empreinte monstrueuse et mortifère.

Telle est la leçon du Capital, une leçon qui n’a pas été suffisamment entendue ni par conséquent retenue. Une leçon plus que jamais d’actualité pourtant, y compris bien au-delà du champ dans lequel et pour lequel Marx l’a donnée. C’est ce qu’on va examiner à présent. Continuer à lire … « Le vampirisme du capital. L’angle mort de l’analyse marxienne (II) »

Un krach financier possible et nécessaire

Au premier abord, les marchés financiers du monde capitaliste développé semblent devenus fous, irrationnels. La récession n’a jamais été aussi profonde et les indices boursiers sont tous orientés à la hausse. Comment expliquer ce fossé ?

Wall Street, la place financière américaine, a surréagi aux annonces de plans de relance de Joe Biden, au total plus de 5000 milliards de dollars. Le vote du Congrès, selon toute vraisemblance, viendra rogner les ailes présidentielles. Le S&P 500 – un indice calculé par l’agence de notation Standard & Poor et qui réunit 500 entreprises les mieux cotées – a augmenté, dans les 100 premiers jours du président américain, de 8,6%1. Or, à cette date, la reprise est encore à venir. Les plans de relance annoncés par l’Union Européenne non seulement ne sont pas au même niveau mais ne sont pas encore activés. Chaque pays a défini son propre attirail, mêlant les mesures sociales – en France la subvention pour le chômage partiel notamment – et les aides aux entreprises pour éviter la vague de faillite, surtout du côté des PME. Signe des temps anciens, les gouvernements baissent les cotisations sociales pour augmenter les profits… qui viennent alimenter la hausse des dividendes sous le poids des contraintes imposées par les fonds d’investissement. Les mesures d’exonérations pèseront fortement sur les comptes sociaux. Continuer à lire … « Un krach financier possible et nécessaire »

Le vampirisme du capital (I)

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Le vampire est une figure mythologique ancienne, commune à un grand nombre de cultures. En Europe, elle a été tout particulièrement répandue dans les zones orientales et dans les Balkans [1], où les croyances aux vampires et leurs rites afférents restent vivaces aujourd’hui encore, notamment dans certaines régions de Roumanie [2].

La figure du vampire telle que nous la connaissons aujourd’hui est dérivée de ces croyances et rites, moyennant cependant déformations et réinterprétations [3]. Une première source en aura été fournie par des marchands saxons qui s’étaient établis dans les villes de Transylvanie au cours du XIIe siècle et qui y avaient acquis des privilèges commerciaux, essentiellement des exemptions de taxes. Or ces privilèges vont être remis en cause au milieu du XVe siècle par le voïvode (prince) de Valachie Vlad III Basarab, dit Vlad Tepes (Vlad l’Empaleur), aussi surnommé Draculea parce que son père Vlad II avait été surnommé Vlad Dracul (Vlad le Diable). La rigueur des sanctions infligées par Vlad III aux marchands récalcitrants, pouvant aller jusqu’à la peine de mort, lui vaudra d’être rapidement portraituré comme un prince sanguinaire dans la correspondance de ces marchands avec leurs collègues occidentaux, donnant ainsi naissance à la légende du Dracula vampire [4]. Continuer à lire … « Le vampirisme du capital (I) »

Exiger l’annulation des dettes publiques détenue par la BCE est une bataille politique importante

Tribune.

Un certain nombre d’économistes, dont par ailleurs nous partageons usuellement les analyses et les combats, viennent, dans une tribune au Monde, de prendre position contre l’annulation par la Banque centrale européenne (BCE) des dettes publiques que cette dernière détient.

Rappelons que, dans le cadre de sa politique dite « non conventionnelle », la BCE achète régulièrement sur le marché secondaire des obligations d’Etat. Elle possède ainsi, par l’intermédiaire de la Banque de France (BdF), environ 20% de la dette publique française. Continuer à lire … « Exiger l’annulation des dettes publiques détenue par la BCE est une bataille politique importante »

D’autres solutions que l’annulation de la dette existent pour garantir un financement stable et pérenne

À la suite de l’appel des économistes pour « l’annulation des dettes détenues par la Banque centrale européenne », plus de 80 spécialistes des questions monétaires et financières signent une tribune publiée dans le journal Le Monde du 27 février, ainsi que dans le journal Social Europe, proposant d’autres voies pour faire face aux politiques d’austérité.

Cette tribune, initiée par sept universitaires français, regroupe des économistes, des sociologues, des historiens ainsi que des politistes. La grande majorité sont des spécialistes de la dette publique, bénéficiant d’une reconnaissance internationale, et intervenant régulièrement dans le débat public, en France comme au niveau européen. S’ils partagent le même objet d’étude, ils appartiennent à des traditions intellectuelles diverses, représentatives d’un large éventail de courants de pensée. Continuer à lire … « D’autres solutions que l’annulation de la dette existent pour garantir un financement stable et pérenne »