Pour un financement juste et pérenne des soins de santé pour toustes

Si les systèmes de soins de santé et leurs financements ne sont pas identiques en Belgique et en France, les politiques néo-libérales menées ont des conséquences similaires. Comparer les situations et les politiques est une nécessité pour mieux en comprendre les mécanismes et souligner les choix politiques effectués.

Dans cette analyse des « soins de santé » proposée par nos ami·es de Belgique, je souligne deux éléments : la prise en compte des effets de la dette de l’Etat sur les moyens de financement disponibles du secteur de la santé et la nécessité de mettre en place des audits citoyen tant au niveau de l’hôpital qu’à celui de l’Etat ou des collectivités territoriales.

« La pandémie en cours rend enfin audibles les revendications du personnel de santé. Leur message est clair : cela fait des années que les soins de santé en Belgique sont sous-financés, que le bien-être des soignant·e·s, la qualité des soins et des infrastructures et, par conséquent, la sécurité des patient·e·s sont en péril. Il faut refinancer le secteur ! Face à ces revendications, les partis au pouvoir démentent avoir réalisé des économies et se rejettent la faute entre eux. Pourtant, les coupes budgétaires sont bien réelles et l’argent ne s’est pas évaporé. Chaque année ce sont des dizaines de milliards d’euros qui sont dépensés directement par l’État belge pour satisfaire les intérêts de quelques uns au détriment du reste de la population. Il est temps d’assurer un (re)financement pérenne et juste du secteur des soins de santé et de mettre en place une gestion de celui-ci qui garantisse le droit à la santé pour tou·te·s ainsi que, pour les travailleurs/euses de ce secteur, des conditions de travail et une rémunération dignes de l’importance de leur rôle dans la société. »

En introduction, Gilles Grégoire aborde, entre autres, l’épidémie de coronavirus en Europe, la mise en quarantaine de la population, les métiers « à la fois fondamentaux à notre survie et extrêmement dévalorisés socialement et financièrement », l’importance de celles et ceux qui assurent les soins de santé et leurs conditions de travail, les pays qui ont fait les investissement nécessaires pour contenir l’épidémie et ceux qui ont eu une stratégie de dernier recours, « Enfermer les gens pour tenter « d’aplatir la courbe » des hospitalisations afin d’atténuer la saturation des services de santé », les choix (et coupes) budgétaires, « Car si les États européens sont visiblement prêts à s’endetter massivement – eux, et par conséquent leur population – pour sauver le monde de la finance qui s’écroule, ils rechignent encore à s’endetter pour quelque chose d’aussi fondamental que l’accès au matériel de protection médicale », les revendications du personnel de santé et les déclarations gouvernementales…

Sommaire

I. Pourquoi peut-on affirmer que la santé est sous-financée ?

Un nécessaire chiffrage de la réalité

  • Qui dit stagnation budgétaire dit coupe budgétaire

  • Des besoins de financements spécifiques de plus en plus prononcés

  • Des coupes budgétaires aux conséquences bien tangibles

II. Où est passé l’argent ?

  • Non, le secteur public belge n’est pas plus pauvre qu’hier, au contraire…

  • … mais il dépense des milliards chaque année qui ne servent en rien à sa population

  • Une dette qui n’a pas servi à la population et dont la légitimité n’est pourtant jamais débattue

  • La destruction de la sécurité sociale et des services de santé en trois étapes

    • Étape 1 : L’État se rend indispensable dans le financement de la sécurité sociale et des soins de santé

    • Étape 2 : D’abord le patronat, puis l’État renient leurs engagements et organisent le « déficit » de financement de la sécurité sociale

    • Étape 3 : Le privé prend place partout où cela est rentable

III. Comment la refinancer de manière juste et pérenne ?

  • Dans l’immédiat pour faire face à la crise sanitaire et sociale

  • De manière structurelle

L’auteur démontre le sous-financement de la santé. Il critique les présentations chiffrées incomplètes ou mensongères. Il aborde les coupes budgétaires, les besoins spécifiques du secteur, le financement du fonctionnement des hôpitaux…

Il insiste à juste titre sur les évolutions des besoins, la demande toujours plus élevée de soins, les facteurs de détérioration de la santé, les effets de la pauvreté, le vieillissement du matériel et l’augmentation des coûts, les conséquences bien tangibles des coupes budgétaires, les impacts des conditions de travail difficiles, les conséquences du manque de financement sur les services de soins à domicile et des centres de santé, la situation propre des maisons de repos et des services de gériatrie… « Bien sûr, personne un tant soit peu renseigné ne remet en question la qualité des soins qui sont généralement fournis en Belgique. Mais cette qualité s’effrite sous la pression budgétaire et l’opportunisme marchand. Cette saturation des soins de santé, l’épuisement du personnel soignant, la pénurie gravissime de matériel médical et de médicaments ainsi que de matériel de protection à l’heure de la pandémie en cours découle directement de ces choix budgétaires. »

La seconde partie concerne une question : « Où est passé l’argent ? », l’accroissement des dépenses publiques et la contraction des recettes, les milliards gaspillés chaque année « qui ne servent en rien à sa population », le prix de la dette et le poids du service de celle-ci, « Le remboursement de la dette participe donc à capter une partie importante des recettes publiques et tout ce qui est dépensé pour la payer ne l’est pas pour financer des dépenses d’intérêt public. En 2018, la dette représentait à peu près 15% des dépenses publiques alors que la santé n’en représentait que 13% »…

L’auteur analyse les causes de l’endettement public, l’évasion fiscale et les cadeaux fiscaux, le mode financement public « qui draine les fonds publics pour payer les intérêts aux banques », les sauvetages bancaires suite à la crise financière de 2008, la socialisation des pertes et la privatisation des profits, les conséquences de la crise financière…

Les milliards dépensés et la dette institutionnellement créée ne le sont pas dans l’intérêt de la population (mais bien « les intérêts d’une minorité de personnes au détriment du bien commun »), la légitimité de la dette n’est jamais débattue.

La question de la légitimité et l’illégétimité de la dette est importante. Les dettes illégitimes, comme les dettes odieuses, n’ont pas à être remboursées. Chacun·e peut comprendre l’utilité des audits citoyens de la dette…

« Mais la dette illégitime n’est pas un problème seulement parce que son remboursement capte une part importante des ressources publiques mais aussi et surtout parce que celui-ci sert à justifier qu’on applique l’austérité et des réformes néolibérales ». Et l’austérité affaiblit structurellement les finances de l’Etat et rend le remboursement de la dette de plus en plus difficile…

La dette publique devient le prétexte principal « pour imposer la réduction des dépenses publiques », la dérégulation des marchés, la « flexibilisation » des normes du travail, la destruction de biens publics pour laisser la place aux grandes entreprises privées et à leurs actionnaires…

Il ne faut pas oublier que « la privatisation des services publics et leur marchandisation conduisent à une réduction importante de l’accès à ces services et contraignent les ménages à recourir eux-mêmes davantage à l’endettement », un cercle vertueux pour les établissements financiers et un flux de dividendes pour les actionnaires…

Gilles Grégoire poursuit avec « la destruction de la sécurité sociale et des services de santé en trois étapes », la place de l’Etat, le reniement des engagements, la place du privé lorsque cela est rentable. Nous sommes loin de la gestion par les salarié·es de leurs salaires (directement perçus ou socialisés) ; les mal-nommées cotisations patronales ne sont qu’un élément du salaire. Reste que nous pouvons toujours faire cotiser les entreprises sur leurs dividendes…

L’auteur détaille les conséquences de ces tendances sur le secteur de la santé, le secteur pharmaceutique et celui de la recherche…

La dernière partie est consacré aux financements « de manière juste et pérenne », à la réappropriation citoyenne des décisions et de la gestion. L’auteur détaille des mesures immédiates pour faire face à la crise sanitaire et sociale, puis des propositions structurelles, dont l’audit par les citoyen·nes des dettes publiques pour les « répudier » si nécessaire, « Mener une enquête approfondie, sur initiative et sous contrôle populaire, des comptes de toutes les structures publiques pour en annuler les dettes illégitimes. Suspendre leur remboursement pendant la durée de l’enquête. Ces annulations ne doivent pas inclure les dettes détenues par des organismes publics ni des petits porteurs de titres (extrêmement peu nombreux aujourd’hui) », et la socialisation de la gestion du secteur des soins de santé. Il s’agit bien d’inverser la logique néo-libérale de marchandisation des soins de santé, d’en refaire un bien commun, de remmettre en cause la propriété privée lucrative, de rendre la sécurité sociale à ses cotisant·es et usager·es…

Gilles Grégoire : Les soins de santé en Belgique : De la privatisation à la socialisation ?

  • Pourquoi peut-on affirmer que la santé est sous-financée ?

  • Où est passé l’argent ?
  • Comment la refinancer de manière juste et pérenne ?

CADTM, Liège 2020, 50 pages

http://cadtm.org/Etude-Les-soins-de-sante-en-Belgique-De-la-privatisation-a-la-socialisation

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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