Le gouvernement affirme que nous, les femmes, serions les grandes « gagnantes » de la réforme des retraites. Pourtant, tout montre que nous en serons bien plutôt les grandes perdantes, et notamment dans l’Éducation nationale et l’enseignement supérieur et la recherche (ESR).
L’Éducation nationale est féminisée à plus de 70%. Au sein de l’Enseignement supérieur et la recherche, les femmes représentent au total un peu plus de 51%. Dans les deux ministères, les emplois les moins rémunérés et les moins qualifiés sont occupés très majoritairement par des femmes. De manière générale, l’Éducation nationale n’est pas préservée des inégalités hommes-femmes : à corps et grade égaux, nous gagnons 14% de moins que les hommes. 14% des femmes sont à temps partiel, contre 5% des hommes, notamment pour des raisons de charge parentale. Dans l’ESR, des plafonds de verre particulièrement résistants (il y a par exemple environ 2 fois moins de chances d’occuper un poste de professeur·e d’université – ou équivalent – lorsque l’on est une femme que lorsque l’on est un homme !), l’existence de primes individualisées distribuées sur la base d’un prétendu « mérite », conjugués à une précarité accrue et à des recrutements tardifs, font que la situation des femmes y est nettement moins favorable que celle des hommes.
Le projet de réforme des retraites par point, au lieu de les corriger, va prolonger ces inégalités au-delà de la fin de la période active. Dans le système actuel, les pensions des femmes sont déjà nettement inférieures à celles des hommes, mais le projet de retraite à points ne ferait qu’accroître ces inégalités par des baisses de pensions très importantes d’un grand nombre de femmes. En effet, on ne prendrait plus en compte les 6 derniers mois, base de calcul du système actuel, mais l’ensemble de la carrière professionnelle des femmes. Cela impliquerait inévitablement une baisse considérable de nos pensions. L’intégration des primes à ce calcul ne ferait qu’accentuer les inégalités car les primes, comme toutes les parts variables de rémunération, bénéficient plus aux hommes qu’aux femmes, comme on le constate avec les heures supplémentaires (HSA), les IMP… Les personnels en temps partiel (majoritairement les femmes) ne peuvent pas bénéficier d’HSA or celles-ci rentrant dans le système des primes, avec le projet de réforme cela accentue encore les inégalités de pension.
Le gouvernement veut faire croire que les mécanismes d’augmentation des points liés à la parentalité seraient une avancée pour les femmes. Pourtant, les 5% supplémentaires accordés par enfant seraient attribués au choix à la mère… ou au père. Or, la tentation serait importante de les attribuer au salaire le plus élevé et donc au père. De même, l’évolution du système des pensions de réversion constitue un véritable recul : d’une part elles ne seraient versées qu’à partir de 55 ans, alors qu’il n’y avait pas de limite dans le système actuel, et d’autre part les femmes divorcées ou remariées ne bénéficieraient plus de la pension de réversion. C’est un recul important porté à l’indépendance financière des femmes, mais aussi à leur sécurité avec un féminicide sur quatre commis au moment de la retraite.
Nous affirmons que contrairement aux annonces du gouvernement, les femmes seront les grandes perdantes de cette réforme. Nous dénonçons cette gouvernance qui tente de nous instrumentaliser en prétendant le contraire pour justifier une réforme injuste et inégalitaire majoritairement rejetée par la population.
Nous, femmes syndicalistes de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur ou de la recherche et syndicalistes lycéennes ou étudiantes, dénonçons avec force le projet du gouvernement de réforme du système de retraite universel par point.
Signataires:
Sophie Abraham (chargée des questions femmes au SNUipp-FSU),
Sylvie Aebischer (CGT Éduc’action, représentante au CSE),
Marie Aillet (membre du bureau national du SNCL),
Lisa Badet (vice-présidente de la FIDL),
Cendrine Berger (secrétaire générale de la CGT FERC Sup, élue CTMESR),
Marie Buisson (secrétaire générale de la FERC CGT),
Louise Bihan (commission antipatriarcat de Solidaires étudiant-e-s syndicats de luttes),
Francine Canard (membre du bureau national du SNCL),
Sophie Coquillat (membre du bureau national du SNCL),
Luce Desseaux (chargée des questions femmes au SNUipp-FSU),
Nathalie François ( Secrétaire nationale du SNEP-FSU)
Sigrid Gérardin (co-secrétaire générale SNUEP FSU),
Janique Guiramand (secrétaire nationale de SUD Recherche EPST, élue CTMESR),
Pauline Guittot (représentante SUD éducation en CAPN),
Louise Gury (co-secrétaire fédérale SUD éducation, représentante au CSE),
Mélanie Luce, (Présidente de l’UNEF),
Armelle Mabon (SUD éducation, élue CNESER),
Héloïse Moreau (présidente de l’UNL),
Francette Popineau (co-secrétaire générale SNUipp-Fsu),
Emmanuelle Puissant (CGT FERC Sup, élue 5e section du Conseil National des Universités),
Cécile Quantin (SUD éducation, élue CTU),
Christele Rissel (secrétaire nationale de la CGT Educ’action, élue CAPN),
Anne Roger (Co-secrétaire générale SNESUP-FSU),
Frédérique Rolet (secrétaire générale SNES FSU),
Aurélia Sarrasin (secrétaire nationale SNES FSU),
Fatna Seghrouchni (co-secrétaire fédérale SUD éducation),
Valérie Sipahimalani (secrétaire générale adjointe SNES FSU),
Josiane Tack (secrétaire générale du SNTRS CGT, élue CTMESR),
Maud Valegeas (représentante SUD éducation au CSE),
Charlotte Vanbesien (secrétaire fédérale de la FERC CGT),
Sophie Vénétitay (sécrétaire générale adjointe SNES FSU),
Isabelle Vuillet (secrétaire nationale de la CGT Educ’action, élue CTMEN).
En complément possible :
Alain Véronèse : La retraite en chantant. C’est tous les jours dimanche ! :
Attac – Fondation Copernic : Un autre projet de retraites est possible :
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/30/un-autre-projet-de-retraites-est-possible/
Prise de parole de Jacques Rancière le 16 janvier
avec les cheminot.e.s grévistes à la gare de Vaugirard :
« Si je suis là aujourd’hui, c’est, bien sûr, pour affirmer un soutien total à une lutte exemplaire, mais aussi pour dire en quelques mots pourquoi elle me semble exemplaire.
J’ai passé un certain nombre d’années de ma vie à étudier l’histoire du mouvement ouvrier et ça m’a montré une chose essentielle : ce qu’on appelle les acquis sociaux, c’est bien plus que des avantages acquis par des groupes particuliers, c’était l’organisation d’un monde collectif régi par la solidarité.
Qu’est-ce que c’est que ce régime spécial des cheminots qu’on nous présente comme un privilège archaïque ? C’était un élément d’une organisation d’un monde commun où les choses essentielles pour la vie de tous devaient être la propriété de tous. Les chemins de fer, cela appartenait à la collectivité. Et cette possession collective, elle était gérée aussi par une collectivité de travailleurs qui se sentaient engagés vis-à-vis de cette communauté ; des travailleurs pour qui la retraite de chacun était le produit de la solidarité d’un collectif concret.
C’est cette réalité concrète du collectif solidaire dont les puissants de notre monde ne veulent plus. C’est cet édifice qu’ils ont entrepris de démolir pièce à pièce. Ce qu’ils veulent, c’est qu’il n’y ait plus de propriété collective, plus de collectifs de travailleurs, plus de solidarité qui parte d’en bas. Ils veulent qu’il n’y ait plus que des individus, possédant leur force de travail comme un petit capital qu’on fait fructifier en le louant à des plus gros. Des individus qui, en se vendant au jour le jour, accumulent pour eux-mêmes et seulement pour eux-mêmes des points, en attendant un avenir où les retraites ne seront plus fondées sur le travail mais sur le capital, c’est-à-dire sur l’exploitation et l’autoexploitation.
C’est pour ça que la réforme des retraites est pour eux si décisive, que c’est beaucoup plus qu’une question concrète de financement. C’est une question de principe. La retraite, c’est comment du temps de travail produit du temps de vie et comment chacun de nous est lié à un monde collectif. Toute la question est de savoir ce qui opère ce lien : la solidarité ou l’intérêt privé. Démolir le système des retraites fondé sur la lutte collective et l’organisation solidaire, c’est pour nos gouvernants la victoire décisive. Deux fois déjà ils ont lancé toutes leurs forces dans cette bataille et ils ont perdu. Il faut tout faire aujourd’hui pour qu’ils perdent une troisième fois et que ça leur fasse passer définitivement le goût de cette bataille »
Nous, journalistes grévistes et solidaires du mouvement contre la réforme des retraites
Christine : Le « modèle suédois » ou le miroir aux alouettes
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/21/le-modele-suedois-ou-le-miroir-aux-alouettes/
Violences médiatiques en continu contre les grévistes :
Collectif statistiques du Travail : L’emploi des seniors avant la retraite
« Nous sommes des inadaptables sociaux » : lettre ouverte des retraités en colère :
Retraite des femmes : en finir avec les inégalités !
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/01/11/retraite-des-femmes-en-finir-avec-les-inegalites/
Pour gagner, soutenons les grévistes ! :
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/12/23/pour-gagner-soutenons-les-grevistes/
Retraites : des idées reçues et des mensonges propagés… (2 nouveaux documents) :
Trois désintox sur les retraites :
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/12/18/trois-desintox-sur-les-retraites/
Déclaration unitaire – Retraites des femmes : en finir avec les inégalités !
Inégalités : « La réforme des retraites pénalisera encore plus les femmes »,
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https://www.pressenza.com/fr/2020/01/reforme-des-retraites-les-femmes-grandes-gagnantes/
toujours les femmes !! GOUVERNEMENT DE TRAITRE !! CFDT pas MIEUX !!!
« La retraite, c’est comment du temps de travail produit du temps de vie et comment chacun de nous est lié à un monde collectif. Toute la question est de savoir ce qui opère ce lien : la solidarité ou l’intérêt privé. »