Les femmes et leur histoire
Les femmes et leur histoire, car écrire l’histoire des femmes ne peut se limiter au seul usage des règles et méthodes de la discipline historique. L’histoire des femmes dépasse l’opposition commune entre le réel et sa représentation, et la quête de la place du sujet dans cette opposition : elle renvoie, en effet, fondamentalement à la différence des sexes, à la manière dont les philosophes ont pensé cette différence, aux modalités grâce auxquelles législateurs et acteurs de l’histoire ont bâti avec cette différence l’ordre politique.
Écrire l’histoire des femmes oblige donc à lier ensemble, dans la construction de l’objet historique, les systèmes de la philosophi – de Rousseau à Derrida – et les données empiriques de l’histoire – des initiatives révolutionnaires à l’inscription de la parité dans la Constitution. Des figures singulières du combat féministe – telles Madame de Staël, George Sand, Louise Michel, Clémence Royer ou Madeleine Vernet – côtoient donc dans cet ouvrage l’analyse serrée de grands discours ou textes fondateurs de l’exclusion comme de l’inclusion des femmes. Parce que, nous montre Geneviève Fraisse, la question des femmes fut de réintroduire dans l’histoire, c’est-à-dire de prendre part à l’énigme du devenir plutôt que de continuer à être représentées comme des énigmes de la nature.
Les deux gouvernements : la famille et la Cité
Tout a commencé avec le Contrat social, lorsque, refusant l’analogie monarchique entre famille et État, Rousseau pose la dissociation entre domestique et politique, entre la famille et la Cité. Cette séparation des « sphères » est avant tout une séparation des gouvernements – gouvernement domestique et gouvernement civil. Elle signe la fin d’une comparaison entre le pouvoir du père et celui du Roi. Au lendemain de la Révolution française, Muse de la raison prenait acte d’une « démocratie exclusive », au détriment des femmes. Les deux gouvernements poursuit la réflexion en montrant comment l’établissement de « sphères » distinctes a freiné la construction démocratique de l’égalité des sexes.
Aussi l’enjeu est-il désormais de penser à nouveau ensemble les deux gouvernements, le domestique et le politique, et de trouver une articulation originale, par-delà toute « conciliation » ou « réconciliation », entre vie familiale et vie sociale.
La suite de l’Histoire. Actrices, créatrices
L’émancipation des femmes a suivi deux chemins parallèles et distincts au lendemain de la Révolution française, et au commencement du débat démocratique : celui du « pour toutes » et celui du « pour chacune ». Le premier menait aux droits civils et civiques, citoyenneté, éducation, emploi, responsabilité individuelle, autonomie sociale. Le second ouvrait la voie à la liberté de créer, de penser, d’écrire, de partager avec les hommes les lieux de la jouissance intellectuelle et artistique. C’est sur le deuxième chemin, emprunté par ce livre, que j’ai voulu arpenter la suite de l’Histoire. La suite de l’Histoire, pour une femme artiste, ce n’est pas seulement la conquête de droits et la transgression des contraintes établies, c’est aussi la construction de pratiques nouvelles et le déplacement des repères obligés. L’égalité, c’est encore la liberté de trouver de nouvelles formes esthétiques et intellectuelles. Et c’est pourquoi, sans s’arrêter à l’identité sexuelle ou à la visibilité sociale, ce qui est en jeu, ici, c’est d’abord et avant tout la création.
De l’autrice :
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Le corps de la femme est un écran où chacun projette sa violence, le-corps-de-la-femme-est-un-ecran-ou-chacun-projette-sa-violence/
Les amis de nos amis, les-amis-de-nos-amis/
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Le voile, le burkini et l’impureté de l’Histoire, le-voile-le-burkini-et-limpurete-de-lhistoire/
« À rebours » : préface de Geneviève Fraisse à l’ouvrage de Carole Pateman : Le Contrat sexuel (1988), a-rebours-preface-de-genevieve-fraisse-a-louvrage-de-carole-pateman-le-contrat-sexuel-1988/
Préface à : Femmes, genre, féminismes en Méditerranée, « Le vent de la pensée », Hommage à Françoise Collin. Textes et documents réunis et présentés par Christiane Veauvy et Mireille Azzoug, preface-de-genevieve-fraisse-a-femmes-genre-feminismes-en-mediterranee-le-vent-de-la-pensee-hommage-a-francoise-collin-textes-et-documents-reunis-et-presentes-par-c/
L’Histoire comme phénomène – préface pour Alain Brossat, Les Tondues, un carnaval moche (1993), lhistoire-comme-phenomene/
Présentation de : Fanny Raoul : Opinion d’une femme sur les femmes, Comme une parole donnée à l’espace commun
Olympe de Gouges et la symbolique féministe, entretien, olympe-de-gouges-et-la-symbolique-feministe-entretien-avec-genevieve-fraisse/
Affaire DSK : le fait divers, c’est du politique, affaire-dsk-le-fait-divers-cest-du-politique/
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Sexe, politique, parole publique, sexe-politique-parole-publique/
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Notes de lectures
Les excès du genre. Une enquête philosophique, verites-contretemps-historiques-exces/
Le Privilège de Simone de Beauvoir, une-historicite-susceptible-douvrir-le-chemin-de-la-liberation/
Du consentement, édition augmentée, un nouveau chapitre, etre-exclue-du-pouvoir-ne-premunit-pas-necessairement-contre-ses-sortileges/
La sexuation du monde. Réflexions sur l’émancipation : il-ny-a-pas-de-toust-temps/
Les excès du genre : loperateur-egalite-permet-de-concevoir-et-dinventer-les-nouveaux-rapports-entre-sexes/
Du consentement : Car dire « oui », c’est aussi pouvoir dire « non »
La fabrique du féminisme. Textes et entretiens : La surdité commune à l’égard du féminisme est comme une « ritournelle »
Service ou servitude. Essai sur les femmes toutes mains : Rendre au mot service toute son opacité