« La « crise des réfugiés », la « crise de l’Europe », la « crise de l’humanité » ? Pourquoi résistons-nous à l’asile ancré dans l’hospitalité, évidence philosophique et politique, et pourquoi la crise des réfugiés suscite-t-elle autant de désarroi, d’impuissance, de cynisme ? Cet essai est un défi pour la politique et la philosophie. Il montre en quoi la philosophie dys-topique du mouvement qui intègre la violence extrême peut être un pari tragique positif d’exercice de la liberté, de l’hospitalité. Que signifie aujourd’hui les « humains superflus », les « sans-Etat », « le droit d’avoir des droits », la « violence extrême », quand on voit ces mots depuis les routes, les camps de réfugiés ? Choisir de résister a un sens. La question est de savoir comment parier. »
L’évidence de l’asile. « Son évidence a les pieds dans la boue de l’histoire, la matérialité des conditions d’existences humaines, les luttes les refus des guerres, le désarroi, un travail entre inconvertibilité/convertibilité de la « violence extrême » ». Comprendre et résister à ce qui se joue dans les politiques de fermeture des frontières, dans la création d’« humains superflus », dans la « catastrophe ».
Un livre de réflexion politique et philosophique, Le titre du prologue « Soyons réalistes, demandons l’évident : l’asile » donne le ton.
Je n’ai lu qu’une partie des auteur-e-s cité-e-s, mes connaissances en philosophie sont très limitées. Je me contente de souligner quelques points.
« L’asile qui s’appuie sur l’hospitalité sert à protéger la vie et la liberté. C’est la propriété, la responsabilité, l’initiative de chaque individu sur terre. En cela l’asile est une évidence. Toute dépossession de l’asile engage une philosophie dys-topique d’insoumission ».
L’auteure met en évidence ces « spectres des réfugiés » qui hantent l’Europe. Elle prend comme fil rouge les écrits d’Hannah Arendt. Elle parle, entre autres, de résistance, d’insoumission, de mémoire, « l’asile fait partie de la mémoire des luttes d’émancipation », de liberté, de Spinoza…
Sommaire :
Première partie : L’évidence de l’asile ébranlée
Deuxième partie : Les rapports la domination (XVIIIe-XXe), l’évidence déplacée
Troisième partie : Trames d’une philosophie dys-topique
Le droit international et les réfugié-e-s, les routes et l’Europe forteresse, la sous-traitance et l’externalisation des contrôles, le « délit de solidarité », les « étranger-e-s » et les zones d’infra-droit, la confusion entre « réfugié-e-s » et « migrant-e-s », la multiplication des statuts, les expulsions, le dispositif de Dublin, le fichage des réfugié-e-s, la militarisation des routes, « Tout individu n’a peut-être pas un passeport, mais tout individu dispose d’une vie, d’un corps, d’une existence et d’une mort qui sont sa propriété », la Convention de 1951, le droit de fuite…
Les mots et les mensonges politiques, les expulsions et les guerres « zéro-mort », les chasses aux êtres humains. J’ai notamment apprécié les textes sur les ouvrages de Grégoire Chamayou (Les corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècle, Restriction du champ de l’expérimentation et restriction de la conscience politique du savant et Les chasses à l’homme, L’homme inscrit comme possible proie).
Les diasporas. Si l’auteure discute largement des analyses d’Hannah Arendt, j’ajoute le beau livre d’Eleni Varikas : Les rebuts du monde. Figures de paria, l’admission-de-c…ng-de-l’humanite/). Je souligne aussi les discussions autour de « socialisme ou barbarie » et de l’« effet boomerang de l’impérialisme » de Rosa Luxembourg.
Il me semble juste de parler de « violence extrême », du « droit d’avoir des droits », de la pluralité qui fait qu’il y a « des » êtres humains, de « politique constituante active et d’insoumission »…
En épilogue, « Plutôt Pénélope que Cassandre », Marie-Claire Caloz-Tschopp revient sur l’hospitalité, le tissage d’une autre Europe, « Accepter de se décentrer pour voir le monde et soi-même dans le monde, voir le désarroi, le consentement à inacceptable, la guerre ». Il y a urgence à faire respecter les droits des réfugié-e-s, à renouer avec l’ouverture et l’asile chaleureux.
Marie-Claire Caloz-Tschopp : L’évidence de l’asile
Essai de philosophie dys-topique du mouvement
Editions L’Harmattan, Paris 2016, 240 pages, 24 euros
Didier Epsztajn