Ce tout petit livre (une conférence dans le cadre d’une coopération Emmaüs/Normale Sup’) est précieux à plusieurs titres : bien évidemment parce qu’il donne des informations précises sur les migrations des Roms (principalement roumains) en France mais surtout parce que la perspective que défend l’auteur (développée dans sa thèse : « La tradition de l’intégration. Une ethnologie des Roms Gabori dans les années 2000 », éditions Petra, 2012) rompt avec toute analyse visant à définir une « authenticité » Rom. On comprend aisément que la réaction première des activistes Roms confrontés à la stigmatisation et à la paupérisation ait été de revendiquer une identité Rom transfrontalière, étant entendu qu’il fallait alors secondariser tout ce qui pouvait introduire des différenciations (statut social, langue(s), intégration dans les sociétés où ils/elles vivaient…). De la même façon que les courants « nationalistes » du XIXème siècle, ces activistes, regroupés principalement dans « l’Union Internationale Romani » cherchèrent à construire une nationalité (vue comme élément constitutif d’un rapport de force apte à s’imposer face aux politiques discriminatoires : normalisation de la langue, hymne, drapeau, reconnaissance par les institutions internationales…). Martin Olivera, même si ce n’est pas l’objet principal de sa conférence, montre par contre que ces populations sont de longue date intégrée dans les sociétés où elles vivent, que leur marginalisation accompagne la marginalisation de l’ensemble des exclus de ces pays :« Rien ne sert de lutter contre la discrimination ou d’invoquer « l’inclusion » lorsque c’est le système lui-même (…) qui produit ses marginaux et ethnicise la pauvreté. La rhétorique de la « question Rom » apparaît dès lors comme un cache-misère dans l’Europe sociale en lambeaux ».
Au même titre que n’importe quelle autre migration, les Roms ne sont pas ici par un quelconque « atavisme du nomadisme » (la très grande majorité est sédentarisée depuis plusieurs siècles dans les pays balkaniques), mais plus « banalement » pour les mêmes raisons économiques qui poussent des millions d’hommes et de femmes à fuir la misère.
Martin Olivera : Roms en (bidon)villes. Edition Rue d’Ulm, 2011
Dominique Gérardin